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A lire dans le dossier de Courrier International consacré à "Après la pandémie, changer les villes", l'article "Les services publics survivront-ils à la crise ?" de Piotr Wojcik, publié le 21 avril 2020 dans Dziennik Gazeta Prawna (Varsovie).)

Extraits :

Il est naturel qu'en période de crise les gens se tournent vers l'Etat. Toutefois, j'émets l'hypothèse qu'une fois passé le pic de l'épidémie, la tendance sera à l'exact opposé et conduira à la privatisation de nouveaux secteurs de l'économie tout en approfondissant l'individualisation des conditions de vie. La nouvelle normalité ne rappellera pas du tout le socialisme mais une dystopie dans laquelle la solidarité aura laissé la place à la domination de l'intérêt personnel.

(...)

Il n'est pas exclu que le rôle de l'enseignement public diminue, alors qu'il s'agit du meilleur instrument d'égalisation des chances que nous connaissons. Cela conduirait à une explosion des inégalités économiques. Si la crise sanitaire devait se prolonger pendant des années, la classe moyenne [en Pologne, le terme désigne en réalité la classe aisée, qui a accès au mode de consommation des classes moyennes des pays plus développés] commencera à faire pression pour réduire les dépenses consacrées à l'enseignement public car elle remplira elle-même cette fonction. Les enfants des familles riches s'en sortiront, mais pas ceux des familles pauvres, même s'ils sont talentueux".

Avec le temps, de plus en plus de voix demanderont l'abandon de la politique de confinement généralisé au profit des seuls groupes dits "à risque", comme des personnes atteintes de maladies chroniques et, surtout, les seniors. Les signaux annonçant un tel changement sont déjà visibles. Le confinement forcé des personnes âgées limitera de façon extrême leur présence dans la vie sociale, et fera disparaître de l'ordre du jour politique des questions importantes pour elles comme la revalorisation des retraites et le financement du système de santé.

S'il semble qu'on entende surtout pour le moment des revendications étatiques, progressistes et sociales, selon moi, la "nouvelle normalité" à venir déclenchera très vite des processus complètement opposés. Pourquoi prendre soin des espaces communs comme les piscines publiques et les parcs si y accéder devient plus difficile, voire impossible ?

Nous commencerons alors à mise davantage sur des stratégies d'existence individuelles ou familiales, car, en période d'isolement social, notre niveau de vie dépend de notre propre débrouillardise et de celle de nos proches. L'explosion de l'individualisation et du familiarisme sera aussi meurtrière pour la solidarité sociale que le coronavirus pour les gens. La nouvelle réalité pandémique ne sera probablement pas aussi spectaculaire que des dystopies cyberpunks des livres de William Gibson [auteur de Johny Mnemonic et du Neuromancien, qui a inspiré la trilogie cinématographique Matrix], mais elle pourra être presque aussi cauchemardesque.

 

 

 

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