"Tu ne verras pas les trottoirs, puisqu'ils seront sous la neige ! Ah ah !". Justement !! En attendant d'échanger sur la gestion urbaine du déneigement des trottoirs à Montréal début mars (dans le cadre notamment de notre projet "sidewalk studies" avec l'INRS, et d'une conférence avec VRM), ce billet de veille récapitule plusieurs éléments qui nous ont été transmis ces dernières semaines sur la neige et les trottoirs. Pas d'analyse à ce stade, mais il est certain que c'est un pas de côté (glissant ! mais) fructueux pour interroger la gestion des espaces publics lorsque la nature (ici la neige, ailleurs... le végétal ou l'eau) en devient une composante déterminante.

Merci d'abord à David Jalbert-Gagnier, Québécois ayant vécu à New-York, rencontré lors d'une intervention dans le Master Gouvernance territoriale et développement Urbain de Sciences Po, pour son témoignage sur la situation new-yorkaise en hiver : de nombreuses personnes qui ont glissé sur des trottoirs mal déneigés adressent des poursuites, souvent abusives, à l'encontre des propriétaires riverains. Merci surtout à lui pour les éléments qu'il nous a ensuite envoyés.

Une "opération gérée uniformément par la ville" :

Un "ballet époustouflant" : "Two hour raw video of snow removal operations in Montreal, Canada" sur youtube : ici :

Restons à Montréal, avec une vidéo sur le Journal de Montréal de la semaine dernière sur la brusque... chute des températures qui a provoqué des... chutes :

«Les conditions extrêmes qu’on a eues, ça ralentit tout le monde, y compris nos opérateurs. Il y a un taux de bris également qui est important. (...) L’abrasif qui avait été étendu sur les trottoirs s’est alors retrouvé pris au piège entre deux couches de glace".

Egalement, une carte montrant les priorités de la ville en matière de déneigement :

Direction maintenant la Belgique en hiver. Merci à Marion Alecian, de l'ARAU (qui avait organisé en novembre un séminaire sur les trottoirs),  de nous avoir adressé ces éléments sur le "sneck down" :

"Le Sneckdown, ce n’est pas la danse que les piétonnes et piétons satisfait·es d’avoir récupéré de l’espace de circulation font sur le bord du trottoir, mais la contraction de deux mots anglais : snowy (“enneigé”) et neckdown (“élargissement de trottoir”). On est donc sur élargissement de trottoir enneigé #cqfd ou sur améneigement pour les militants de la francophonie. Une photo, un crayon et y a plus qu’à suivre les lignes, pas besoin d’avoir été à l’académie de dessin. Les zones qui restent enneigées montrent la place qui pourrait être récupérée pour d’autres usages que la circulation automobile. Et là les idées ne manquent pas : des trottoirs plus larges, des pistes cyclables, des zones de repos avec des bancs, des petites places…peuvent être installés dans ces zones qui finalement ne sont pas utiles aux véhicules". (Source : "Tous à pied")

Source image : Tous à pied. Vidéo à voir sur le même site.

Retour maintenant au Québec avec quelques témoignages de trottoirs :

Un témoignage d'une chercheuse à Jonquières, au nord du Québec, qui, dans le cadre d'un travail pour des municipalités a effectué "plusieurs entretiens de groupe avec des ainés dans plusieurs quartiers  pour identifier leurs préoccupations" (au passage, joli le mot "ainés !" pour "personnes âgées") :

Je viens d’écouter avec plaisir l’épisode de Géographie à la carte de juin 2023 où vous discutez avec M. Garrigou-Lagrange de vos travaux sur les trottoirs. (...) À ma grande surprise, les trottoirs étaient l’une des principales préoccupations de nos ainés. Avec la neige en hiver, durant un bon 4 mois, le déneigement des trottoirs constitue un enjeu important de sécurité publique pour les ainés. Circuler dans la rue peut s’avérer dangereux, marcher sur un trottoir non sablé et donc glissant est aussi un enjeu de sécurité. Certains ne pourront pas sortir de leur maison tant que le trottoir n’est pas bien dégagé. J’ai réalisé que pour nos ainés, la gestion des trottoirs constituait l’un des principaux liens avec la ville. « La ville », c’était ce qui entretenait leur trottoir et leur donnait une liberté de mouvement.

Réaction d'une amie montréalaise :

Sans blague que les trottoirs sont un problème pour les aînés !! Y’a de quoi se casser le cou tous les jours. Les jeunes tombent aussi, régulièrement. C’est juste moins grave pour eux et ça fait le bonheur des ostéopathes. Le premier hiver j’ai vécu en grosses bottes avec fourrures et dans le métro on se déshydrate en 2 coups de cuillère à pot. Ensuite j’ai acheté des bottines et je ne mets les grosses qu’en tempête de neige. Souvent des crampons pour la glace sur les trottoirs… Jamais d'escarpins ! Les trottoirs sont des patinoires… et ce qu’on appelle ici « la glace noire », ça ne se voit pas. Donc c’est le gadin assuré et tu peux te casser le coccyx ou l’épaule, je te dis, le paradis des physiothérapeutes. Je suis tombée suffisamment pour prendre mes précautions.

Trottoirs avenue Putney, Saint-Lambert, 5 décembre 2023

Et aussi :

Le déneigement était autrefois réalisé à la pelle, par des équipes d’intervention municipales et par les citoyens.

Source : https://urbabillard.wordpress.com/2015/12/30/archives-deneiger-apres-la-tempete/

Déneigement au début du 20ème siècle à Québec, avec le déchargement de la neige dans le fleuve :

Source : Radio Canada, ici.

Et encore : le défi de sortir ses poubelles !

Et pour finir, plus au Nord du Canada, à Churchill (surnommée la « capitale mondiale de l'ours polaire ») :

Merci Françoise Bouglé et Ariane O. !

NB : Trottoirs ! évoque un peu la question de la neige à Montréal. Il s'appuie notamment sur ce livre qu'on recommande "chaudement" : Sensations urbaines : une approche différente de l'urbanisme.