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A lire dans Cadre de ville une stimulante interview de Thierry Lajoie, directeur général de Grand Paris Aménagement, qui appelle à passer d’actions d’innovation à une stratégie d’innovation, et qui fait le lien avec notre précédent billet et notre article à paraître dans Réflexions Immobilières. On attend de la découvrir avec impatience.

 

Extraits :

Le numérique n'est pas seulement un moyen ?

Non. Car sous l’impact de la digitalisation, la ville devient servicielle. Ce n'est pas seulement une question de moyen, c'est une question de modes de vie, de manière d'habiter - c'est très concret. La ville-monde numérique appliquée au Grand Paris pose des questions de flux, de mobilités, de réseaux, d'horaires d'ouverture des services et des commerces, de façons de manger.... Tout cela, c'est la nouvelle économie servicielle. Et l'attractivité se joue aussi de ce point de vue.

(…)

Comment cette nouvelle approche impacte-t-elle le modèle économique de l'aménagement ?

Jusqu'ici, le modèle de l'aménageur était un modèle de cession de charges foncières. Veni, vedi, vici : je viens, j'aménage, je m'en vais. Mais le déplacement de l’économie physique vers l’économie immatérielle fait que la chaîne de valeur change. Le bien vaudra moins demain que son usage – c’est cela aussi la ville servicielle. Donc, la question qui est posée à l'aménageur, c'est : reste-t-il sur le territoire ? Doit-il céder le foncier, ou le garder pour l’exploiter (en captant sa valeur) et garantir sa mutabilité ? Donc le dissocier plus systématiquement du bâti ? Le modèle traditionnel de l'aménageur est bousculé. Au point qu'à l'inverse, d’autres que lui, qui n'étaient que des exploitants de la ville, sont de plus en plus invités à devenir eux-mêmes aménageurs.

Ne faudra-t-il pas toujours qu'il reste un ensemblier qui pilote ?


Si, il en restera toujours un, mais j'ai l'intuition que, selon le contexte, selon le projet, selon les priorités, selon les territoires, selon l'existant, celui qui joue ce rôle d'ensemblier peut être différent. Le rôle de leadership du projet, ou d'animation de la ville, peut revenir à quelqu'un de différent. Chacun pouvant être, selon les cas, leader, facilitateur ou accompagnateur.

C'est ce que commencent à fabriquer les différents "Réinventer". Je crois que si le marché, les promoteurs immobiliers, les bailleurs sociaux, les investisseurs commerciaux, les opérateurs urbains, ont été bousculés, c'est au fond parce que ça remettait en cause la place acquise par chacun, dans son silo, pour fabriquer la ville. Je ne dis pas "tous aménageurs", mais je défends l'idée que, au fur et à mesure que les urgences nous commandent, et que les techniques nous permettent plus de transversalité, le rôle de chacun peut varier.

Qui aurait pensé, il y a vingt ans, qu'une crèche pourrait être une opération immobilière en VEFA en pied d'immeuble, gérée par une association, une entreprise ou des parents, dans laquelle une municipalité louerait des berceaux ? On aurait parlé de privatisation de la ville. Aujourd'hui c'est comme ça que les choses se construisent. La question posée n’est pas : "y va-t-on ?" mais "Comment y allons-nous ?" et "jusqu'où on va ?".

 

Source : Thierry Lajoie : "Le génie français peut construire un modèle de ville-monde sans ségrégation, ni relégation" - Cadre de Ville - 2 octobre 2018

A lire également notre billet : Les aménageurs au défi de la ville intelligente.

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