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Sous la houlette de Jean-Pierre Sueur, le Sénat vient de publier un riche et ambitieux rapport sur "Les villes du futur" On y trouvera notamment des interviews de Christian de Portzamparc, Saskia Sassen et Julien Damon. Sont également mentionnés 15 défis, dont le défi économique et financier. Extrait (pages 131-132).

ville du futur, sept. 2011

"L’évolution urbaine des dernières décennies a été souvent marquée par le désinvestissement des collectivités territoriales dans la construction de l’espace public au profit de la multiplication des espaces collectifs privés*. C’est une tendance lourde qui remonte au début des années 90 et qui ne semble pas devoir s’infléchir à court ou à moyen terme. Cela concerne à la fois les centres-villes et les banlieues résidentielles. Le système repose sur l’établissement de relations contractuelles entre les collectivités locales et les fournisseurs privés de logements et de services collectifs propres aux copropriétés, centres d’affaires ou centres commerciaux.

S’agissant des centres-villes, c’est aux États-Unis qu’est né le système des partenariats public-privé (PPP) à l’époque de l’administration Reagan qui faisait une forte pression en faveur de la diminution des dépenses fédérales pour réduire le montant des impôts sur le revenu. La ville de New- York a ainsi été la première grande conurbation a autoriser des dérogations en matière d’urbanisme (par exemple un dépassement des coefficients de construction) au profit de promoteurs privés s’engageant, en contrepartie, à fournir des prestations sociales, culturelles ou d’urbanisme (comme la réalisation d’espaces verts, l’installation de mobiliers urbains, la construction de logements sociaux ou la fourniture d’aide à domicile pour certaines catégories de population). Cette phase de co-financement de la ville par les acteurs publics et les acteurs privés est maintenant, dans nombre de situations, dépassée par une nouvelle forme de fabrication totalement privée de la ville par l’application des nouveaux outils de la finance anglo-saxonne.

Dans une analyse particulièrement pertinente**, Isabelle Baraud- Serfaty souligne les effets de la présence de plus en plus forte des investisseurs privés dans le phénomène urbain, présence qui ne peut que s’accentuer dans les prochaines décennies du fait la montée de l’endettement public. (...)

Cette évolution semble d’autant plus probable dans les prochaines décennies que les tendances technologiques poussent à l’entrée de nouveaux acteurs privés dans la fabrication de la ville, par exemple dans le domaine de l’énergie avec la création des réseaux électriques intelligents (Smarts Grids) sur la base de synergies entre la distribution classique de l’électricité et l’exploitation de l’information fournie par des capteurs de différents types. Ces nouveaux outils technologiques, que seules les grandes compagnies peuvent fournir, s’imposent aux villes qui veulent rester attractives pour le développement de la voiture électrique en libre service, pour l’offre d’informations aux usagers sur les flux de transports multi-modes, pour la réduction des émissions de carbone dans le cadre de projets complexes de récupération de l’énergie ou de la chaleur".

1 La production privée des espaces publics, Renaud Le Goix, Céline Loudier-Malgouyres, Les annales de la recherche urbaine

2 La nouvelle privatisation des villes, Isabelle Baraud-Serfaty, Esprit, mars-avril 2011

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