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Très belle exposition à Marseille, au Mucem, sur les panoramas.

Extraits du catalogue :

"La vision panoramique est donc tout sauf neutre. Par son format large, son souci d'être en adéquation exacte avec la réalité, sa capacité à mettre le spectateur en position dominante, l'image panoramique possède pourtant tous les atouts pour apparaître comme objective et impartiale. Qu'elle soit scientifique, militaire ou destinée à promouvoir un lieu touristique, elle recèle dans son essence profonde, exprimée plus ou moins explicitement, cette folle prétention d'être non pas un point de vue sur le monde, mais le monde lui-même - ou tout au moins d'en être l'exact reflet, sans l'entrave d'un cadrage restreint, d'une grille de lecture quelconque, ou a fortiori d'une idéologie de la vision".

"L"oeuvre entière d'Ed Ruscha, qui compte peintures, dessins, photographie et livres, l'impose comme une figure emblématique du traitement artistique de la notion de panorama. Se déclarant "victime de l'horizontale", il a témoigné à différentes reprises de l'impact décisif sur sa démarche des vastes étendues du paysage californien et des films en Panavision projetés sur écrans larges à partir des années 1950. Au sein de sa légendaire série de petits livres, où la narration est loin d'être absente en dépit de la prosaïque neutralité de leur contenu photographique, le projet le plus ambitieux est assurément "Every building on the Sunset Trip, publié en 1966. Ce "leporello", qui excède 8 mètres de long, documente tous les bâtiments bordant un tronçon de Sunset Boulevard à Los Angeles. Imprimée tête-bêche, la double séquence est le fruit d'un laborieux travail de montage des images, que l'artiste a collectées en conduisant le long des deux côtés du boulevard avec un appareil motorisé fixé à son véhicule. La parfaite adéquation entre le support dépliant et son motif induit une vision temporelle de l'oeuvre, un mouvement du regard qui suit le développement continu du ruban panoramique. La mise à plat des façades, semblables à des décors de cinéma, tout comme la bande-image comparable à une bande filmique ou à un travelling renforcent plus encore l'analogie avec l'univers cinématographique, qu'incarne à elle seule la ville de Los Angeles".

Et aussi, l'évocation de ce fameux Colorama de la gare de Grand Central, à New-York, qui avait fait l'an passé l'objet d'un très beau dossier dans Télérama (ici) :

"Le Colorama est plus qu'un panorama. Il exprime autre chose que la simple puissance de l'image moderne. Il incarne le passage d'un état à un autre du capitalisme, le passage de l'empire marchandise à la marchandise-image. Par ses caractéristiques exceptionnelles, ses dimensions gigantesques et sa forme, entre diaporama et projection, le Colorama scelle définitivement la relation inégale entre l'objet manufacturé et le spectateur assujetti au statut de consommateur. Le dispositif lui-même n'a d'équivalent que l'imaginaire babélien. Ce qui est donné à voir à Grand Central, à partir de 1950, par la firme Kodak n'avait aucun équivalent. Sur une surface de cent mètres carrés, sur une longueur de 18 mètres, une image géante rétro-éclairée par un kilomètre de tubes égrenait toutes les trois semaines un spectacle visuel, mieux un opéra. Dans cette gare "imitation sans ironie, des bains impériaux de l'ancienne Rome", les banlieusards new-yorkais ont contemplé quarante ans durant cinq cent soixante-cinq panoramas ; incitation à l'achat d'appareils, certes, mais surtout vénération de la "vraie image", de l'image parfaite".

Sources :
"j'aime les panoramas" - Catalogue de l'exposition
"La vie en Kodak - Colorama publicitaires des années 1950 à 1970" - François Cheval et Gilles Mora - Editions Hazan - 2015

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