Poussettes ou voitures à bras : il était déjà question d’encombrement des trottoirs en 1882 !

Ça y est, en vertu d’un arrêté publié hier au Bulletin officiel de la ville de Paris, les trottinettes électriques en libre-service sont interdites de stationnement sur les trottoirs parisiens !

L’occasion de relire le chapitre « la rue » dans l’ouvrage « Hygiène publique – Les Odeurs de Paris », écrit par Jules Brunfaut en 1882, où il était déjà question d’encombrement des trottoirs !

 

Ces trottoirs sont devenus généralement trop étroits, surtout dans les rues très fréquentées. Cependant, on ne peut en augmenter la largeur qu’aux dépens des chaussées, et cette opération n’est pas facile avec le prodigieux développement qu’a pris depuis 20 ans la circulation des voitures.

Un fait regrettable de l’administration actuelle, c’est de laisser encombrer les trottoirs par les candélabres à gaz :  on a cherché à ornementer nos rues en déplaçant les luminaires qui se trouvaient jadis accrochés au-dessus de nos têtes, dans les façades des maisons, à une hauteur telle qu’ils ne gênaient pas le passage du piéton. (…)

Un autre encombrement des trottoirs bien plus regrettable est celui des boutiquiers, qu’on autorise. Aujourd’hui, chaque commerçant se croit propriétaire du trottoir qui fait face à son vitrage ; il commence par envahir le sol en y marquant son nom et son commerce ; puis il abrite son magasin des rayons du soleil par une marquis dont les dimensions, le plus souvent exagérées, dont la hauteur trop réduite ou la vicieuse construction accrochent le promeneur qui dépasse en hauteur la taille d’un fantassin français.

Depuis dix ans, un nouvel occupant a surgi ; on a imaginé de promener les enfants en bas âge dans de petites carrioles traînées ou poussées à la main par la mère ou par la bonne. Ce véhicule renfermant des enfants est respecté du passant, mais il est, il faut bien le reconnaître, un obstacle à sa marche et un embarras de plus à la circulation. Espérons que l’opinion publique, émue par les avis de quelques médecins, que ce mode de locomotion est contraire à la santé de l’enfant, fera revenir aux anciennes habitudes de nos pères : faire marcher les enfants suivant leur force et les porter lorsqu’ils sont fatigués. Cela paraît plus logique, l’enfant qui a été charrié n’est pas apte à distinguer ce qu’il voit, une promenade au jardin publique, au square, suffise bien mieux à sa santé.

Mais ce qu’on ne doit souffrir à aucun prix, c’est la circulation des voitures à bras qui, depuis la même époque, ont envahi également les trottoirs de Paris pour transporter, comme le faisaient jadis les hottiers, les menus paquets.

Dans le bon temps, on rencontrait le commissionnaire une malle sur son crochet, l’ouvrier portant ses outils. On avait grand soin de se garer, c’était un mal sans remède. Aujourd’hui, ces gênants existent encore, mais en très petite quantité : ils ont été remplacés par de plus intelligents qui ont compris qu’on transportait mieux et davantage avec une brouette à deux roues qu’avec une hotte, et mieux encore avec ces petites voitures perfectionnées par l’adjonction d’une troisième roue.

Les boulangers ont adopté le nouvel enfin, les blanchisseurs s’en servent, et des marchands de comestibles, tropes à la mode de Caen, café au lait, etc., se le sont approprié.

Devant ces invasions, le trottoir n’existe plus pour le piéton parisien, et il est grand temps que la Préfecture de police y mette ordre. Les mesures à prendre attireront sur elle bien des malédictions, mais qu’importe !

 

A voir un petit film de l’INA sur la fin des voitures à bras : ici

A lire également nos précédents billets sur le trottoir, notamment :

– Encore des rues et des trottoirs… Et de la pierre de Volvic !

Le paradoxe de l’espace public : source de coût ou actif stratégique

Qui fait le trottoir ?

Ci-dessous l’arrêté de la Ville de Paris :