Boutique-point-relais versus voisin-relais

Box by Posti” est un nouveau concept de la poste finlandaise pour l’expédition et la réception de colis (voir par exemple ici ou ).

Merci à Stéphane Schultz de nous avoir signalé cette expérience, relayée sur Twitter ici :

Qu’elles soient à l’intérieur des bâtiments, ou sur le trottoir, cette multiplication des boîtes (à lettres, à légumes, à vélos, à ballons, etc.) nous intéresse en effet tout particulièrement, notamment depuis une mission sur l’économie de la rue pour La Poste, et nous l’abordons d’ailleurs dans notre travail prospectif sur les rues de demain pour la Direction de la Prospective du Grand Lyon (le rapport est bouclé, la publication imminente !).

Si la vente de produits frais en distributeurs réfrigérés est récente, les distributeurs automatiques, en intérieur ou en extérieur, sont anciens : la chambre syndicale qui représente les fabricants et les gestionnaires de ces distributeurs, la « NAVSA » (Chambre syndicale Nationale de Vente et Services Automatiques) a été créée en 1955.

Désormais, on trouve des distributeurs de tout : boissons fraîches, boissons chaudes, snacks, sandwichs, pizzas, glaces et crèmes glacées, fontaines à eau, et désormais donc, des distributeurs automatiques de pain, de croquettes et aliments pour animaux, des distributeurs fermiers (fromages fermiers, lait, charcuteries, œufs, produits régionaux, fruits et légumes du producteur…). Et aussi des distributeurs de produits non alimentaires : distributeurs automatiques de billets de banques, de places de cinéma, de préservatifs, d’accessoires de toilettes, de livres et jouets, d’articles électroniques, de maquillages, etc. !

Ces dispositifs changent les rythmes de la consommation et de la vie en ville. En 2019, le combat de maires de communes rurales pour sauver leur DAB (distributeur automatique de billet) a montré que ces appareils, dépourvus de présence humaine, sont moins insignifiants qu’on pourrait le croire : « Si le DAB s’en va, tout le bourg sera déséquilibré. Les gens feront leurs courses là où ils pourront retirer de l’argent » témoignait un maire.

Au fond rien ne ressemble plus à une boîte qu’une autre boîte. Pour le moment, ces boîtes sont dans une logique d’offre : ce qui est dans la boîte est en lien avec le fournisseur de ce qui s’y trouve : quid si on bascule dans une logique plus usager-centrique ? Et si La Poste devenait un distributeur de légumes ou de ballons de basket pour faire du sport dans la rue ? Et si, alors que les enjeux de logistique du dernier kilomètre s’accentuent, la boîte (fixe ou mobile) devenait une des principales ressources-clefs dans la rue ? Et si, de même que le container a révolutionné le commerce mondial, la boîte mobile révolutionnait l’économie de la rue ?

Dans ce contexte, une autre évolution mérite toutefois d’être observée, la mise à contribution des voisins pour la livraison à domicile. Cette émergence de la “multitude” (pour reprendre le terme de Nicolas Colin et Henri Verdier : l’habitant-usager-consommateur qui devient producteur) n’est pas nouvelle, y compris dans le champ de la livraison, mais il semble qu’elle connaisse aujourd’hui un coup d’accélération, avec la création de nouvelles sociétés qui veulent “favoriser la réception des colis et limiter l’impact environnemental de leur livraison“, et qui “n’hésitent pas pour cela à mettre les particuliers à contribution”.

Il faut lire l’article d’Adrien Lelièvre dans Les Echos de ce mercredi 20 janvier 2021 : “Pickme, Cocolis et Hipli : ces start-up qui surfent sur la folie des colis” :

“La tendance était à l’oeuvre depuis quelques années. Mais la crise sanitaire a donné un coup de fouet au phénomène : les consommateurs n’ont jamais été aussi nombreux à se faire livrer des colis. Or, si la commande en ligne ne prend que quelques secondes, la qualité de la livraison n’est pas toujours au rendez-vous : livreur en retard, colis endommagé ou déposé sur le paillasson, relais colis fermé…

Autant de raisons qui ont poussé Jessie Toulcanon à fonder Pickme en 2019. « L’e-commerce est en plein boom mais l’offre de réception ne s’est pas encore adaptée en conséquence. Résultat : il y a encore 30 % des livraisons qui échouent lors du premier passage », déplore-t-elle.

Elle a donc imaginé de mettre les particuliers à contribution. Ces derniers n’ont qu’à télécharger l’application de la jeune pousse et indiquer leurs disponibilités. Une fois leur profil validé par Pickme, ils peuvent réceptionner des colis en toute sécurité pour leurs voisins « dans un rayon de 200 mètres ». A chaque colis réceptionné et remis au client, le « keeper » – selon le jargon de Pickme – peut gagner jusqu’à un euro.

« Nous voulons monter un réseau de particuliers le plus dense possible. Nous avons réussi à atteindre le nombre de 12.000 personnes en seulement quelques mois », précise Jessie Toulcanon. Après avoir débuté à Paris, la jeune pousse s’étendra dans le Val-de-Marne en février, puis dans les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis en mars. Pickme espère notamment venir en aide aux personnes qui finissent de travailler tard le soir et rencontrent des difficultés pour récupérer leurs colis. « Nos keepers ont des créneaux d’ouverture très larges et sont très arrangeants », affirme la patronne.

Le marché du colis, Eliette Vincent s’y est attaqué dès 2014 en fondant Cocolis. L’idée est née d’un constat simple : expédier un objet peut se révéler très coûteux pour un particulier, surtout s’il est encombrant. Dans le même temps, des millions de personnes réalisent des trajets chaque jour avec leur coffre vide. En échange d’une rémunération, Cocolis propose ainsi à ces derniers de transporter des biens.

La jeune pousse revendique une communauté de 300.000 adeptes du cotransportage et vient de nouer un partenariat avec La Redoute dans le cadre du lancement de son site de vente dédié aux produits de seconde main (« La Reboucle »). « La Redoute a fait le constat qu’il y avait une demande forte de la part de ses clients d’apporter des solutions de transport écoresponsables », estime Eliette Vincent. Cocolis assurera les premières expéditions de ce nouveau service dans le courant du mois de janvier.

Adepte du e-commerce, Léa Got s’agaçait souvent du surdimensionnement des colis et des problèmes de suremballage et de recyclage. Elle s’est donc lancé un défi ambitieux : fabriquer des colis réutilisables afin de réduire leur impact environnemental. C’est pour cette raison qu’elle a cofondé la start-up Hipli, basée au Havre. « On garantit une utilisation des colis plus de 100 fois », détaille cette ancienne d’HEC, ESCP Europe et de Polytechnique.

Hipli s’est associé à des marques partenaires, qui proposent à leurs clients d’être livré avec un colis réutilisable. « Une fois qu’on a reçu le colis chez soi, on doit le replier et le poster dans une boîte aux lettres. C’est gratuit puisque l’adresse est affranchie sur le colis. Nous récupérons ensuite le colis au Havre et il est reconditionné », poursuit Léa Got. Au total, Hipli a déjà fabriqué environ 180.000 colis réutilisables et les proposera à partir de février en Belgique et au Luxembourg, avant un lancement en Allemagne dans le courant de l’année”.

Adrien Lelièvre – Les Echos – Hors illustration, extraite du site internet de Pickme.

 

Alors ? Boutiques-points-relais versus voisins-relais, quel impact sur les rues de demain ?

A suivre…

NB1 : les lecteurs attentifs auront repéré dans l’image des boîtes – cages à lapin. On n’en a pas encore vu dans nos rues, mais gageons que cela ne saurait tarder !

NB2 : ce sujet sera au menu de nos chantiers 2021. Pour lire notre bilan 2020 et nos perspectives, c’est : ici.

 

Ajout du 26 janvier 2021

Extrait de l’article des Echos du 26/1/2021 :

Au kiosque de la place Aristide-Briand, à Meudon (Hauts-de-Seine), les passants ne viennent plus acheter leurs journaux. Depuis le 10 janvier, ils font plutôt la queue pour acheter les produits fermiers qui les ont remplacés. Cette transformation est l’oeuvre de Médiakiosk, filiale de JCDecaux, propriétaire de l’édicule, en association avec la start-up La Clayette.

Le kiosque abrite désormais 76 casiers réfrigérés et connectés qui offrent un large choix de produits frais : fruits, légumes, oeufs, mais aussi des paniers « apéro » avec du saucisson, du jus de pomme et des chips. En tout, une dizaine de formules de 4,90 euros pour la boîte de douze oeufs à 12 euros pour le panier apéro.

Développer les circuits courts

L’utilisation est simple : les consommateurs sélectionnent et achètent le panier qui les intéresse grâce à un terminal de paiement. Le casier choisi s’ouvre et ils peuvent en récupérer le contenu. Il leur est simplement demandé de laisser sur place la « clayette », sorte de cageot qui contient les légumes, pour rester dans une démarche zéro déchet. Le kiosque est ouvert tous les jours et s’est adapté aux horaires du couvre-feu : il est opérationnel entre 6 heures et 18 heures.

Le fondateur de la start-up, un jeune diplômé d’école d’ingénieur, Nicolas Drique, a investi 40.000 euros dans le projet après une étude de marché. Persuadé qu’il était possible de développer une offre de produits en circuit court à prix raisonnable, il a contacté la société MediaKiosk, qui lui a proposé de louer le kiosque de Meudon. « Depuis le début du confinement, on observe un changement de paradigme. Les gens veulent davantage s’approvisionner en circuit court », assure Marc Bollaert, directeur de MediaKiosk

L’entreprise cherche par ailleurs depuis plusieurs années à diversifier son activité. Sur les 780 kiosques qu’elle gère dans l’Hexagone, 647 vendent des journaux . Les 133 autres proposent différents services : conciergerie de quartier, restauration rapide, fleuristes, torréfacteurs… La Clayette est le premier kiosque distributeur de fruits et légumes.

Un seul intermédiaire entre producteurs et consommateurs

Et c’est un succès : depuis son ouverture le 10 janvier dernier, 900 clients sont venus faire leurs provisions à La Clayette. Il est donc urgent pour Nicolas Drique de trouver un salarié pour l’épauler. Pour le moment, c’est lui qui assure l’approvisionnement, trois fois par semaine. Il se déplace lui-même jusqu’aux producteurs, pour la plupart situés en Eure-et-Loire, ou dans la Somme.

Une manière, selon lui, de recréer du lien, malgré l’aspect désincarné du distributeur automatique : « On supprime la proximité entre consommateur et commerçant, admet-il, mais on en crée une nouvelle avec le producteur en supprimant les intermédiaires. » Si le succès de La Clayette de Meudon continue, l’entrepreneur espère ouvrir d’autres kiosques sur le même modèle.