“Tout bâtiment passe environ 10 % de sa vie inoccupé”

C’est une très intéressante interview de Paul Citron, directeur du développement de Plateau Urbain, qu’il faut lire sur le site de Dixit, “agence de conseil et d’innovation pour la transformation de la ville”.

Extrait :

Paul Citron > Cela peut être pour différentes raisons [qu’un bâtiment est vide], mais de toute façon tout bâtiment passe environ 10 % de sa vie inoccupé. L’idée est de travailler là-dessus en y affectant des valeurs qui relèvent quasiment du politique. Cela permet de réfléchir sur le droit à la ville, l’appropriation des bâtiments par les citoyens, les potentiels de mutualisation… Souvent ce sont des bâtiments relativement importants, alors que les occupants potentiels ont des besoins de petites surfaces. En divisant celles-ci, on arrive à faire coïncider une offre et une demande qui ne pourraient pas se rencontrer, ou seulement dans une équation immobilière trop compliquée pour que les commercialisateurs traditionnels arrivent à la gérer.

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Sylvain Grisot > Vous arrivez donc à structurer des opérations permettant de sortir des prix très réduits pour les occupants. Mais quel est le montage économique qui permet cela ?

Paul Citron > Notre principe est de faire payer aux occupants uniquement le prix des charges ainsi qu’une provision en cas d’imprévus (départ anticipé d’un occupant, réparations à effectuer…) Nous sommes rémunérés par les propriétaires, ou par les autres activités de Plateau Urbain comme de l’immobilier événementiel, du conseil ou de la transaction. Le fonctionnement coopératif permet d’équilibrer notre fonctionnement entre ces différentes activités.

Sylvain Grisot > Il y a un double déphasage entre les besoins de vos occupants et l’offre du marché : ils ont besoin à la fois d’un immobilier pas cher quitte à être un peu rustique, mais aussi de surfaces inférieures aux offres standards.

Paul Citron > C’est cela. Il y a aussi le fait que ce sont des acteurs qui peuvent difficilement prévoir leur croissance comme c’est le cas pour de jeunes entreprises. Elles vont difficilement pouvoir prendre des baux commerciaux en 3-6-9 ans et sont contentes de trouver une flexibilité dans les contrats qu’on leur propose.

Le propriétaire économise ses coûts de portage, c’est-à-dire la sécurisation, les taxes, etc. Il va financer le montage de l’opération, mais ensuite, il n’a plus à sécuriser son bâtiment et réalise des économies.

Cela lui permet également de réfléchir à la programmation future de son bâtiment, de la tester, et de le mettre en valeur. Même s’il n’y a pas de valorisation économique directe, il y a une valorisation symbolique urbaine : le bâtiment est ouvert vers le quartier. Nos gestionnaires de site sont là pour assumer l’animation interne, mais aussi l’animation externe et les liens avec le quartier.

Sylvain Grisot > Qui sont en général les propriétaires concernés ?

Paul Citron > Les propriétaires peuvent être des promoteurs en attente du démarrage d’un projet. Ils nous confient le bâtiment, ce qui leur permet aussi d’améliorer leur relation avec la collectivité et de limiter leurs coûts. Cela peut être des propriétaires traditionnels qui ne trouvent plus preneur pour leur bien. Nous avons démontré qu’en occupant les trois premiers niveaux d’un bâtiment, cela permet une commercialisation du reste parce qu’on amène avec nous un écosystème dynamique qui attire d’autres acteurs plus matures. On participe à la création des écosystèmes, mais sans les organiser plus qu’il ne faut, parce qu’on n’est pas un incubateur de start-up, ni une pépinière d’entreprises, ou une maison des associations.

Source : “Peupler les vides : l’urbanisme transitoire vu par Plateau Urbain” – Interview de Paul Citron par Sylvain Grisot – 20 avril 2019