“Repenser le métier d’aménageur” à l’ère de la ville intelligente

Les appels d’offre sont intéressants quand on les gagne… mais pas seulement ! Le cahier des charges de la consultation que vient de lancer la SEM Ville Renouvelée sur la mise en place d’un smart grids sur la ZAC de l’Union, sur le territoire de Lille Métropole, mérite qu’on le lise.

Il comprend en effet une véritable profession de foi sur le métier d’aménageur, qui rejoint nos analyses sur les recompositions des acteurs de la ville (par exemple ici. Voir aussi schéma ci-dessous).

Extrait (pages 29 et 30 du cahier des charges. C’est nous qui soulignons) :

REPENSER LE METIER D’AMENAGEUR

Mettre en œuvre un tel projet ne peut se faire uniquement en appliquant les « recettes éprouvées » utilisées par les aménageurs au cours des 20 ou 30 dernières années. Certes il s’agit toujours de mobiliser des prestataires d’études, d’acquérir du foncier, de réaliser des infrastructures, de commercialiser des droits à construire. Les « fondamentaux » du métier d’aménageur sont donc là.

Mais à l’Union la remise en cause du modèle traditionnel de l’aménagement d’une ZAC (…) touche à la posture même de l’aménageurTraditionnellement celui-ci est un fabricant de foncier, dont se saisissement des « opérateurs du marchés » (promoteurs, constructeurs, entrepreneurs,…). L’aménageur est l’acteur de la transformation, du temps court, qui n’aspire qu’à disparaître au plus vite, son travail effectué, son foncier vendu, ses ouvrages remis. Mais lorsqu’il n’y a pas de marché, parce que ce que l’on produit ne répond pas encore à un enjeu identifié ? Que faire, sinon poursuivre son action le temps nécessaire, pour qu’une économie se mette en place, qu’un opérateur émerge ? En investissant dans la transformation de bâtiments historiques en hôtel d’entreprises, en construisant les parkings silos dont l’usage sera peu à peu assuré par l’arrivée des résidents et des entreprises, en prenant en charge la réhabilitation, selon un processus participatif inédit, de 30 maisons délabrées de la rue Stephenson, en constituant une structure spécifique de maîtrise d’ouvrage du CETI (Centre Européen des Textiles Innovants)… la SEM Ville Renouvelée aménageur ne limite pas son rôle à la fabrication du « cadre de la ville », elle s’implique dans le contenu même du projet en jouant un rôle d’INITIATEUR.

Ces projets initiés, il faut les TENIR autant qu’il est besoin : gérer les espaces en attente d’aménagement, installer le dialogue avec les anciens, futurs et nouveaux usagers, accueillir les premières entreprises dans les hôtels d’entreprises et assurer la gestion de ceux-ci, s’impliquer dans l’animation d’une filière économique en construction, inventer le système de mutualisation des stationnements, mettre en place les services associés et le plus souvent les porter avant qu’ils puissent prospérer.

Ce besoin nouveau, de portage temporaire d’équipements et services, n’est pas uniquement dû à une situation économique qui doit se stabiliser. Il est consubstantiel à la notion d’éco-quartier telle qu’elle est pensée à l’Union. Dans la ville du « chacun chez soi », où rien n’est partagé, point n’est besoin de services communs. Sans innovation économique, nul besoin de structure d’animation d’une filière naissante, d’incubateur ou de pépinière d’entreprises…

Mais même installé sur un territoire pour un cycle long, l’aménageur doit un jour céder la place. Il faut donc, dans le temps de la concession d’aménagement, soit faire disparaître des actions devenues inutiles, soit constituer les structures publiques ou privées pérennes qui prendront le relais de l’aménageur.

INITIER, TENIR,… et enfin LACHER, transmettre. Telles sont les missions nouvelles de l’aménageur, qui s’ajoutent aux missions traditionnelles de fabriquant d’ouvrages d’infrastructure et qui transforment profondément le sens de l’aménagement. Du moins lorsqu’il s’agit de produire un éco-quartier aussi essentiel et complexe que l’est l’Union.

Dans le chapitre “Aller plus loin grâce au concept de ville intelligente” (page 10), on y trouve aussi la manière dont la SEM définit la ville intelligente. On notera que cette définition correspond plutôt une vision “technique” de la ville intelligente, selon laquelle les nouvelles technologies vont permettre d’optimiser le fonctionnement des villes, par opposition à une vision plus large, celle que nous privilégions, d’une ville saisie par la révolution numérique (qui fait que, du coup, toute ville est, de fait, “intelligente”) :

Présentation du concept de la ville intelligente (Smart City)

Les progrès technologiques et scientifiques dans le domaine de l’intelligence ambiante permettent actuellement d’instrumenter des systèmesavec des capteurs intelligents capables d’effectuer des mesures, d’analyser ces mesures, d’interagir avec d’autres capteurs et systèmes et d’effectuer des commandes. Les données échangées avec ces capteurs sont traitées en temps réel et stockées dans des bases de données, ce qui permet d’assurer un suivi en temps réel des systèmes instrumentés, d’intervenir en cas d’anomalie, de disposer des informations sur l’historique de fonctionnement de ces systèmes et de pouvoir ainsi développer entre autre des outils de prévision et d’aide à la décision.

Ces développements constituent un outil puissant pour le suivi en temps réel et la gestion des systèmes complexes, tel que celui des réseaux physiques nécessaires au fonctionnement de la ville. Des efforts importants associant des collectivités, des services techniques, des opérateurs et des réseaux urbains ainsi que des spécialistes de l’intelligence ambiante (informatiques, capteurs, réseaux, communication) ont été menés pour le déploiement de ces technologies dans certaines villes. Les expérimentations menées à Issy-les-Moulineaux, Lyon ou encore Nice en sont de bons exemples. S’il est encore tôt pour avoir un retour d’expérience pertinent, ces expérimentations poussées nous montrent à la fois l’ampleur du travail à mettre en place, mais également la formidable opportunité qui s’offre à nous dans le développement de nos villes. Il s’agit d’une nouvelle vision de l’aménagement des villes, à intégrer le plus en amont de la conception de celles-ci. Ces technologies nouvelles peuvent révolutionner notre façon de concevoir la ville, mais également notre façon de la vivre au quotidien. Les atouts, si nous sommes loin de tous les percevoir à l’heure actuelle, peuvent être considérables.

La ville intelligente au service du développement durable du site de l’Union

Le site de l’Union présente une formidable opportunité pour implanter le concept de ville intelligente sur l’ensemble des réseaux (eau potable, chauffage urbain, réseaux de télécommunication, gaz, électricité) avec une stratégie partagée d’implantation et de gestion de données, ce qui fera de ce site, l’un des premiers à l’échelle européenne et internationale dans ce domaine et de gagner ainsi en termes d’image et d’attractivité. Ce projet présente également une opportunité pour associer les différents acteurs de l’aménagement des villes, c’est-à-dire réunir collectivités, aménageur et opérateurs des réseaux. L’objectif est donc de mettre en place un système d’information visant à définir, collecter et exploiter (traiter, analyser, gérer) les données « réseaux » de l’écoquartier, en relation avec les gestionnaires de réseaux et éventuellement les gestionnaires de bâtiments.

Le concept de Smart Grids s’inscrit par ailleurs dans le projet de Troisième Révolution Industrielle prôné par Jeremy Rifkin et porté par la Région Nord-Pas-de-Calais, dont « l’internet de l’énergie » est un des piliers fondamentaux.

 

Merci à Nicolas R. de nous avoir signalé ce cahier des charges.

NB : les photos sont extraites du site de l’opération de l’Union.