Qui est le conducteur de la Google Car ?

Pour la première fois, le 14 février dernier, la Google Car a provoqué un accident. Le Monde publie un article très intéressant sur les enjeux d’un tel accident du point de vue de l’assurance.

Extrait 1 :

En matière de responsabilité, la voiture autonome ouvre une boîte de Pandore. Même si aux Etats-Unis, la NHTSA, l’autorité chargée de la sécurité routière, a affirmé le 4 février que le ” conducteur ” de la Google Car était son système d’intelligence artificielle. Le diable se cache ensuite dans les détails. ” Contre qui pourra-t-on se retourner ? Le constructeur, le fabricant de la pièce qui aura fait défaut ou le réseau de communication qui se sera mal connecté ? “, s’interroge Catherine Traca, de l’Association française de l’assurance, qui prédit le dépôt de nombreux recours pour désigner des coupables.

D’autant que, même si la cause du sinistre est identifiée, il n’est pas toujours facile de trouver un responsable. ” En France, il existe une disposition législative qui exonère de responsabilité les fabricants au motif qu’il peut s’avérer impossible, compte tenu des avancées technologiques, de prévoir un problème “, explique Cédric Coulon, maître de conférences à l’université de Rennes-I et spécialiste en droit des assurances. Autrement dit, même si Google était designé, le groupe pourrait toujours avancer que son algorithme était en incapacité de réagir.

“On pourrait donc se retrouver dans le cas où il n’y aurait personne contre qui se retourner “, conclut le juriste. Un casse-tête inextricable en cas de responsabilité pénale. ” Que faire en cas d’excès de vitesse, de franchissement de ligne blanche ? Surtout s’il y a des morts. On sort du domaine de l’assurance “, dit un cadre du secteur.

Extrait 2 :

” Avec la voiture autonome, on passe de la vente d’un bien à celle d’un service. On peut imaginer que le constructeur commercialisera voiture et assurance dans le même package, à l’image d’Airbnb, qui inclut l’assurance dans la location d’appartement “, explique François Bourdoncle, consultant et ancien co-chef de file du plan ” Big Data “, l’un des 34 plans de la France industrielle d’Arnaud Montebourg destinés à relancer l’économie.

Certains assureurs, comme la MAIF, très présents dans l’assurance-auto, pourraient pâtir de l’émergence de la voiture sans conducteur. ” La distribution de l’assurance auto va passer d’un mode de vente de détail vers une distribution plus professionnelle tournée vers les constructeurs où chacun aura son partenaire. Les petits acteurs de l’assurance vont souffrir “, prédit Thomas Jacquet, expert de l’assurance chez Exane.

En toile de fond de la voiture sans volant, la crainte de voir un jour Google, mais aussi Volvo ou Mercedes, assurer eux-mêmes leurs clients. ” Grâce aux données qu’il collecte, Google dispose de toutes les informations nécessaires pour évaluer les risques et établir le prix du produit. Il a un avantage comparatif “, dit un assureur. Pas sûr cependant que le géant du Net bascule. ” Dans la pharmacie, Google a préféré s’allier à des laboratoires plutôt que de faire leur métier “, rappelle le cadre de l’assurance. ” Et puis dans l’assurance, il faut gérer les sinistres “, dit Thomas Jacquet. Que faire le jour où une voiture autonome percutera un train ? Un risque pas facile à assumer.

Source : “Google Car : un accident qui interpelle les assureurs”. Le Monde – Jeudi 3 mars 2016.