Qu’est-ce qu’un bureau ? Qu’est-ce qu’une usine ?

La question peut paraître évidente. Et pourtant, c’est bien une véritable mutation qui s’annonce, sous un triple effet : la contrainte financière (le coût immobilier est en général le second poste de dépenses d’une entreprise, derrière les salaires), la contrainte environnementale (limiter les déplacements domicile-travail permet de réduire les déplacements tout court) et la révolution numérique (qui permet d’être connecté à tout de partout, mais aussi bientôt de produire ses propres productions avec les imprimantes 3D).

ijburg, janv. 2014

Preuve que cette question est d’importance, plusieurs think-tanks ont récemment organisé des ateliers sur ce thème. Le 10 décembre, la Fabrique de la Cité, le think-tank du groupe Vinci sur la ville, a invité à intervenir Ger Baron, Program et Clustermanager IT à Amsterdam Economic Motor, pour présenter l’expérience néerlandaise (voir ici). Et le 18 décembre, c’était au tour de François Bellanger, animateur de Transit City, de consacrer son atelier mensuel à : “Bureaux, hôtels, campus, usines : et si on se racontait un autre avenir de la mobilité et du travail ?” (iciici, et ici). Voici quelques idées fortes que l’on retient de ces stimulantes rencontres.

bureau cisco 1, janv. 2014

– L’organisation du temps de travail devient de plus en plus un enjeu de mobilité. A Amsterdam, la mise en place des “smart work centers” a notamment été une réponse à la volonté de la ville de réduire la circulation automobile de 10%. Pour ses propres services, la ville encourage largement un jour par semaine de travail en dehors du bureau (Ger Baron). Cette pratique fait d’ailleurs penser à l’Université de Rennes qui a mis en place en 2012 des horaires décalés de manière à éviter la saturation du métro entre 7H40 et 8H00 le matin.

– Les mots que l’on utilise aujourd’hui ne correspondent plus à ce que l’on fait. On continue par exemple à appeler “territoires industriels” des territoires qui n’ont rien à voir avec les territoires industriels du 20ème siècle. De même, on assiste à une interpénétration des fonctions qui fait qu’on ne sait plus nommer les choses. (Transit City)

– “La révolution informatique actuelle couplée avec ce qui va être la révolution industrielle du XXI e siècle, à savoir les imprimantes 3D et les mini-robots, devrait bouleverser totalement nos grilles de lecture en matière d’espace de travail. En passant au numérique, la fabrication et la production vont sortir de l’usine pour s’installer dans les bureaux, mais aussi au domicile. Si l’ordinateur portable a mis l’informatique dans toutes les mains, les imprimantes 3D vont mettre l’industrie dans toutes les mains – voir là ou là. Certaines études estiment même que d’ici 2020, entre 10 et 30 % des produits actuellement importés de Chine par les États-Unis pourraient être fabriqués par les Américains à leur domicile”. (Transit City)

– Les deux facteurs clés de succès d’un “smart work center” sont le wi-fi et la… qualité du café !

Evidemment, les conséquences de ces changements sont profondes.

Comment concevoir l’aménagement de nouveaux quartiers de bureaux à l’aune de ces changements ? Comment les quartiers d’affaires mono-fonctionnels peuvent-ils se renouveler et éviter de devenir de futures friches tertiaires ? A Amsterdam, par exemple, la part des surfaces des bureaux qui pourraient être concernées par ces transformations pourrait être de 30%, selon Ger Baron, qui croit aussi que certains quartiers d’affaires “flagships” (vaisseau amiral) perdureront.

Comment penser le maintien d’activités productives au coeur des grandes métropoles ?

Ces évolutions nous font penser à l’injonction de Stéphane Cordobes, conseiller à la Datar : “il ne faut pas se contenter de chercher vainement des réponses à de vieilles questions, mais il faut déplacer le questionnement pour le rendre plus propice à l’obtention de réponses”. (Revue Urbanisme n°386, sur la Prospective Territoriale)

bureau cisco 2, janv. 2014

A lire également :

– le point de vue d’Ingrid Nappi-Choulet, professeur d’immobilier à l’Essec, dans les Echos (ici), ainsi que le rapport publié sous sa direction (“Immobilier et société en mutation : éléments de réflexion sur la ville de demain”)

– L’étude de Cisco

– Les travaux de Chronos et en particulier le dernier livre de Bruno Marzloff, Sans bureau fixe.