Madrid, une capitale sous perfusion

Ce billet a été rédigé par Sarah Fryde, étudiante en khâgne.

L’exemple de Madrid expose au mieux le lien entre le mécanisme financier et la matérialité de la ville : on peut observer une traduction physique des dérives politiques d’investissement.

Vestige des ambitions olympiques de la ville, le stade de la Peinata est toujours en chantier, trois ans après le terme prévu.

A l’origine, l’ambition olympique de Madrid Ville Olympique a conduit à une gigantesque débauche de projets urbanistiques. Il faut se rappeler la course folle de la ville pour se doter d’infrastructures en vue de se porter candidat aux JO : trois candidatures, trois échecs. Et une série d’infrastructures inutiles : la Caja Magica, un complexe sportif de 300 millions d’euros, un centre aquatique jamais terminé, un stade la Peineta toujours en travaux trois ans après le terme prévu. Au total, sous Alberto Ruiz Gallardo, la mairie aura investi 10,5 milliards d’euros en 8 ans de mandature.

Un environnement urbain-culturel qui se dégrade

Madrid est une capitale en déclin : « La majorité des Madrilènes considère que la ville a mal évolué ces dernières années »« Cela fait six-sept ans que l’on constate l’abandon des services publics : la ville se détériore, qu’il s’agisse de l’entretien des infrastructures ou du nettoyage des rues, du ramassage des poubelles ou de l’attention portée au troisième âge ». On entend « Madrid est sale », beaucoup parlent de « laisser-aller » : « le traitement des arbres a été délaissé » et le taux de pollution de l’air attend des niveaux très élevé. Pour certains, la vie culturelle de la capitale espagnole est en sommeil : « c’est une véritable débâcle (…) toutes les activités culturelles ont été restreintes, surtout dans les quartiers. Les écoles de musiques municipales sont désertées à cause de la hausse des prix. Les subventions se sont réduites comme une peau de chagrin. A titre d’exemple, l’Ateneo ne reçoit plus que 50 000 euros de subventions contre 850 000 autrefois » affirme Francisco del Barrio, coordinateur du congrès pour la défense de la culture.

L’état sauveur : l’aide au redémarrage de la ville

Incapable de faire face à ses obligations, la capitale a fait appel à l’Etat pour pouvoir régler 1,3 milliards d’euros de factures en retard en 2012-2013.

Les efforts commencent à payer : en 2014, la dette est ramenée à 5,9 milliards. La municipalité commencent donc à panser ses plaies : baisse de quelques impôts et hausse des investissements de 20% en 2015 par rapport à l’année passée. La mairie déborde de projets urbanistiques, comme l’édification d’un quartier entier au nord de la capitale. La ville ne semble pas guérie de ses envies urbaines pharamineuses malgré les carcasses encombrantes du passé toujours visibles. L’énorme carcasse du centre aquatique a cependant été réhabilitée. Le collectif citoyen Basurama en a fait un point d’arrêt incontournable de son « tour des ruines de luxe » « de grand design, grand coût et grande inutilité » : un parcours touristique alternatif et original.

Source : « A Madrid, la facture amère de la bulle immobilière » – Gaëlle Lucas – Les Echos Vendredi 22 et samedi 23 mai 2015