L’immobilier logistique devient de plus en plus urbain, petit et banalisé

Un très grand merci à Jonathan Sebbane, directeur général de Sogaris, pour le passionnant entretien qu’il nous a accordé, et à Millénaire 3, le site de prospective de la Métropole de Lyon, pour la mise en ligne de son interview : ici.

Extraits :

La révolution des modes de consommation est le moteur essentiel de la transformation des modes de distribution. Règle d’or de l’immobilier, la localisation est évidemment un critère déterminant pour la logistique urbaine, intégrant notamment la fonctionnalité des lieux, la proximité au client, les effets de la réglementation avec la mise en place des Zone à Faibles Émissions (ZFE)… Mais ce, dans un contexte où les pratiques de marché évoluent très vite.

Autre facteur d’évolution, la question des usages, notamment pour l’échelon de la proximité : messagerie urbaine, centrales de mobilité ou logistique de proximité sont autant d’usages différents, qui poussent à concevoir différemment les lieux que nous développons.

La logistique urbaine est aujourd’hui devenue « la lutte des places » et le phénomène s’est amplifié depuis deux ans, depuis ces deux années de confinements successifs qui ont fait apparaître le caractère absolument essentiel de la logistique pour notre économie. Les sites autour des grandes villes sont « transactés » à prix d’or, les taux se sont compressés pour quasiment atteindre ceux du bureau. Le projet de Sogaris de déployer une logistique urbaine décarbonée, maîtrisée et socialement responsable, doit aussi s’inscrire dans ce contexte. (…)

Un premier sujet me semble-t-il concerne les pratiques de livraison et, s’agissant des colis, la manière dont se monétarise – ou pas – l’accès aux espaces privés que sont les halls d’immeuble, les relais colis, etc. Laetitia Dablanc, qui dirige la chaire Logistics city fondée par Sogaris, La Poste Immobilier et l’Université Gustave Eiffel, a ainsi montré comment à New-York, lors des saisons de pics de livraison, pour Thanksgiving ou à Noël, les halls sont ensevelis sous des montagnes de colis. Qui doit payer ? L’entreprise de livraison qui vient utiliser espaces publics et espaces privés, ou les clients qui commandent sans avoir toujours les moyens de stocker convenablement leurs colis ?

Le second sujet concerne l’interface des sites logistiques et de l’espace public, qui est un enjeu opérationnel crucial pour les exploitants mais également une problématique essentielle pour les villes et leurs habitants qui aspirent légitiment à un cadre de vie sans nuisance. Sogaris nourrit la conviction que l’espace public ne doit pas être un espace logistique sauvage : c’est la raison pour laquelle les sites que nous développons prévoient systématiquement d’internaliser la manutention et les véhicules. C’est plus respectueux de l’espace public mais c’est aussi la promesse de meilleures conditions de travail pour les salariés de nos clients.

Sogaris travaille même à aller plus loin encore. J’évoquais tout à l’heure l’espace urbain de distribution comme le plus petit, ou le plus urbain, de nos « trois niveaux ». Il pourrait y avoir un quatrième niveau. En effet, Sogaris a engagé mi-2020, à l’issue du premier confinement, une réflexion sur le sujet, concrétisé par le développement expérimental de deux micro-hubs récemment installés à Paris. Ces modules viennent tester l’intérêt fonctionnel et urbain d’un tout dernier maillon de la chaîne qui serait rapide d’installation, et pas excessif dans ses coûts. Quand on sait en effet qu’il faut plusieurs années pour développer un nouveau site de logistique urbaine, alors que la croissance du nombre de colis est de plus de 10 % par an, il faut mobiliser l’innovation pour remporter cette course contre la montre.

Concernant l’expérimentation de micro-hubs évoquée ci-dessus, on trouvera plus d’informations ici :

A la frontière entre entrepôts et mobilier urbain, les micro-hubs ont été imaginés comme des réponses expérimentales aux enjeux majeurs rencontrés par les opérateurs de logistique urbaine : rareté des surfaces, difficultés d’accès et de stationnement, prise en compte des enjeux climatique, exemplarité sociale, nécessité de mutualiser les espaces et d’hybrider les usages.

Concrètement, les micro-hubs sont des modules destinés à accueillir des petits caissons de livraison de marchandises, optimisés pour une exploitation par vélo-cargo, installés sur des places de stationnement sur la chaussée. Ces hubs, situés au plus près des consommateurs, évitent aux livreurs de nombreux allers-retours depuis des entrepôts lointains. Ils rendent ainsi possibles des tournées de livraisons plus fines et avec des moyens de transport plus léger et moins polluants. Ces modules sont installables et démontables en moins de 24h, et ne nécessitent aucun raccordement aux réseaux, ni infrastructures. Ils peuvent donc être déplacés facilement au gré des besoins des opérateurs et des utilisateurs, sans impact sur la chaussée.

Deux micro-hubs sont expérimentés pour une durée d’un an à Paris (Arts et Métiers et Bastille) afin d’étudier leur impact sur le trafic et les émissions polluantes générées par les livraisons”.

 

Pour aller plus loin :

– le replay de notre intervention sur les espaces publics avec Emmanuel Grégoire, Dominique Alba, Ramy Fischer

– le conviction 1 de notre Carnet d’économie urbaine

– nos précédents billets sur la logistique urbaine.