Les nouveaux partages de l’espace public (suite)

Publiée par la Société Française des Architectes (SFA), Le Visiteur est une revue annuelle, illustrée et traduite en anglais.

Son dernier numéro vient de sortir, consacré à l’espace public, en lien avec le colloque organisé par la SFA en mai dernier (ici).

On y trouvera des articles de Patrick Boucheron, Karim Basbous , Pierre Caye, Olivier Gahinet, Augustin Berque, Virginie Picon-Lefebre, Yann Legouis, Eric Hazan, Jacques Réda, Laurent Salomon. Et le nôtre sur : “les nouveaux partages de l’espace public” (ici).

Le numéro, à lire impérativement, se trouve en librairie ou sur le site de la SFA.

 

Extrait de l’article “Les nouveaux partages de l’espace public” :

« A l’inverse des immeubles qui appartiennent presque toujours à quelqu’un, les rues n’appartiennent en principe à personne. Elles sont partagées, assez équitablement, entre une zone réservée aux voitures automobiles, et que l’on appelle la chaussée, et deux zones, évidemment plus étroites, réservées aux piétons, que l’on nomme les trottoirs ». Cette description extraite du livre « Espèces d’espaces », écrit par Georges Perec en 1974 aide à comprendre les mutations de l’espace public en France.

Il n’y a pas de définition commune des espaces publics. Si les architectes utilisent ce terme, les juristes la mobilisent à peine, raisonnant avant tout sur le de « domaine public », tandis que les collectivités parlent surtout en termes de compétences : voirie, propreté, éclairage public, etc. Or la force de l’ouvrage de Perec, c’est précisément d’être le « journal d’un usager de l’espace » et de privilégier le vocabulaire de cet usager ds « trottoirs », des « rues » ou des « places ». Au passage, parler de « rues » plutôt que d’« espaces publics » nous permettra d’éviter qu’on ne nous renvoie trop vite à la seule force de leur dimension symbolique. Car ils ont aussi une dimension matérielle, avec à l’œuvre de profonds changements dans la manière dont ils sont produits, gérés et utilisés.

La description de Perec permet par ailleurs de rappeler le partage public/privé de l’espace, même si l’écrivain n’emploie pas ces termes, qui, là-aussi, ne sont pas forcément des catégories pertinentes pour l’usager. Il fait plutôt allusion au partage des usages et des mobilités. Or non seulement ces lignes de partage bougent, mais, de plus, de nouvelles apparaissent, qui soulèvent des questions inédites. Quarante-cinq ans après, quelle est la pertinence de cette description ?

 

Extrait de la version anglaise : “New Ways of Sharing Public Space” :

“As opposed to buildings, which almost always belong to someone, the streets, in principle at least, belong to no one. They are fairly equitably divided between a zone reserved for automobiles, that we call the roadway, and two zones—rather narrower, of course—reserved for pedestrians, which we call sidewalks.” This excerpt from Espèces d’Espaces, written by Georges Perec in 1974, will help us understand how the public-space environment has been changing in France.

There is no common definition of what constitutes a public space. Architects might use the term—a case in point is the title of this edition of Visiteur—but legal experts rarely employ it, preferring instead to address the concept in terms of “public domain,” while local authorities refer to such space mostly in terms of specific services: roadways, sanitation, lighting, etc. But the strength of Perec’s book lies precisely in its being “the journal of a user of public space,” and thus employs by choice the vocabulary of this denizen of “sidewalks,” of “streets,” of “squares.” It should be noted that talking about “streets” as opposed to “public space” allows us to avoid being pinned too closely to their symbolic dimension. For naturally they possess a material dimension as well, involving profound changes in the ways in which they are built, managed and used.

Even if the writer doesn’t employ these terms, Perec’s description also allows us to address the division of space into public and private, terms that here as well don’t necessarily represent categories useful to the user of such spaces. Instead, it refers mostly to the distinction between use and modes of mobility. Not only do these distinctions shift but, increasingly, new distinctions emerge, bringing to light new questions, which in turn lead us to ask: How relevant is Perec’s viewpoint, forty-five years on?

(…)

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