Le nouvel urbanisme parisien et les “communs urbains”

Jean-Louis Missika, l’adjoint à l’urbanisme de la Ville de Paris vient de se livrer à un exercice inédit et particulièrement stimulant : dans un texte d’environ 70 pages, il livre, de manière très fouillée et argumentée sa vision de l’urbanisme parisien.

Le “think-tank progessiste” Terra Nova, qui publie cette contribution (ici) et veut animer le débat en vue des prochaines municipales, nous a demandé de réagir. Nous nous sommes prêtés bien volontiers à cet exercice, en choisissant de discuter la notion des “communs urbains”, au coeur de sa vision.

Notre réaction se trouve ici (accompagnée de celle de Philippe Clergeau sur la végétalisation, et de Jean-Jacques Aillagon sur le patrimoine).

Extrait :

« Je m’attache à montrer comment l’urbanisme parisien (…) a intégré la notion de commun urbain qui permet de dépasser la séparation entre public et privé », écrit Jean-Louis Missika dans son introduction. A travers cette formulation, il pose un diagnostic, celui de l’obsolescence du clivage public-privé habituel, en même temps qu’il propose un remède : celui de la gestion des communs urbains, à sa façon. Si nous partageons le diagnostic, il nous semble que la réponse mérite débat.

Revenons tout d’abord à l’argumentaire de Jean-Louis Missika. Nous en proposons une synthèse en même temps que nous tentons d’en reconstituer le raisonnement.

Tout d’abord, il pose un diagnostic : le clivage public-privé est dépassé compte tenu des nouveaux enjeux de fabrication des villes. « L’accélération de l’évolution des usages et des pratiques urbaines » nécessite plus d’agilité et « il faut accepter que des partenaires privés aient leur mot à dire très en amont des projets ». De plus, « sachant que la plupart des mètres carrés de Paris sont privés », il faut que la ville arrive à « changer les pratiques des opérateurs privés pour avoir le plus d’impact possible ». Enfin, plus que jamais, il faut dépasser des intérêts contradictoires pour répondre aux enjeux de l’urgence climatique ou du logement abordable.

Ensuite, il définit les principes d’une nouvelle relation public-privé, autour de deux évolutions principales. Premièrement, alors que, traditionnellement, les acteurs publics étaient intrinsèquement porteurs de l’intérêt général et les acteurs privés d’intérêt particuliers, ce n’est désormais plus le cas : « chaque programme, qu’il soit privé ou public, doit apporter du commun ou de la mutualisation » et, surtout, des acteurs privés peuvent être porteurs de l’intérêt général. Deuxièmement, la vision très séquentielle d’une ville qui planifie, puis d’opérateurs privés qui exécutent, puis d’habitants qui subissent, doit laisser la place à une « nouvelle gouvernance commune », dans laquelle les opérateurs privés, mais aussi les habitants, sont associés en amont et tout au long des projets.

Enfin, pour poser les bases de cette nouvelle relation public-privé, il reprend à son compte le concept de « communs urbains », dans une approche extensive où ceux-ci désignent « nos ressources communes et vitales ». Ainsi, les espaces publics, mais plus largement « tous les espaces urbains », sont des « communs urbains », qui appellent une nouvelle « gouvernance des projets, avec toutes leurs parties prenantes » (notamment, outre les collectivités locales, les associations, les entreprises privées, les citoyens). Ce faisant, il montre que l’urbanisme parisien se traduit, moins par un transfert de prérogatives publiques aux acteurs privés, que par un élargissement de la sphère sous influence publique (ou plus exactement « commune »), puisque celle-ci englobe désormais les espaces privés.

(On signalera une coquille dans le texte : page 3, il ne faut pas lire : “Force est d’ailleurs de constater que ces [réflexions sur les communs urbains] sont toujours présentes parmi les acteurs de la ville” mais ces [réflexions sur les communs urbains] commencent à être de plus en plus présentes parmi les acteurs de la ville”)

La suite est donc à lire ici .

Quels que soient les points de discussion, le débat qu’initie Jean-Louis Missika sur les “communs urbains” s’annonce passionnant, et on ne peut que saluer l’élu pour cette initiative… en espérant qu’elle donnera, là encore, aux élus des autres villes l’envie de l’imiter.