“Le droit du domaine public doit être davantage tourné vers la question de la rareté”

Nous avons déjà signalé ici la sortie du deuxième numéro de la revue Third.

Nous avons notamment lu avec beaucoup d’intérêt l’article que le Professeur Jean-Bernard Auby (auteur notamment d’un lumineux “Droit de la ville” – LexisNexis 2016) consacre à l’espace public, qui constitue un de nos sujets de prédilection.

Extrait (c’est nous qui soulignons)

La « gestion juridique » des espaces publics urbains est l’affaire de deux constructions classiques, le droit de la domanialité publique et celui de la police administrative, qui sont l’un et l’autre facilement dépassés par les évolutions actuelles.

Cela est surtout vrai du droit de la domanialité publique. Il ne couvre pas toute la surface de notre sujet, dès lors que certains espaces urbains ouverts au public relèvent du domaine privé – cela ne concerne, il est vrai, que les forêts urbaines – dès lors surtout que certains sont de propriété privée – les parties accessibles au public des ensembles commerciaux. Adossé à l’idée selon laquelle le domaine public affecté à l’usage du public est normalement d’usage libre, il n’est pas totalement d’équerre pour gérer la rareté que crée l’accumulation des convoitises : où commence et où s’arrête l’usage normal des trottoirs par les trottinettes ? Il n’est souvent pas très à l’aise pour valoriser l’usage du domaine public et le faire payer par ceux qui en tirent profit : comme l’ont appris à leurs dépens des communes qui ont voulu taxer l’encombrement des trottoirs par les queues devant les distributeurs de billets ou les étals de marchands de glaces. Il bafouille un peu pour assurer la protection de l’image des espaces urbains embellis par leur mobilier urbain et les objets d’art qui y sont déposés.

On ajoutera que les évolutions de type pèseront vraisemblablement dans le sens d’une gestion intégrée d’ensembles d’espaces publics : il en ira ainsi très certainement dans ces quartiers « durables », dans lesquels les éléments d’infrastructure se trouveront fortement intégrés : le stationnement avec l’éclairage, la production d’énergie avec le traitement des déchets… Dans ces contextes, devrait s’imposer une prise en charge « ensemblière » des espaces publics, pour l’établissement de laquelle le droit actuel de la domanialité publique ne fournit pas beaucoup d’outils juridiques.

(…)

On peut estimer souhaitable que la notion d’espace public fasse l’objet d’une reconnaissance législative ou jurisprudentielle. Qui devra veiller à faire le choix entre une définition fonctionnelle – celle que nous avons retenue ici : l’ouverture au public – et une définition formelle par la propriété.

La théorie du domaine public est aujourd’hui malmenée, pour des raisons qui vont au-delà de ce qui a été évoqué ici et qu’il n’est pas question de recenser. La confrontation avec la logique de l’espace public montre au moins – elle confirme – que le droit du domaine public doit être davantage tourné vers la question de la rareté et celle, liée, de l’accès, là où il attache aujourd’hui une importance primordiale à celle de l’utilisation, normale ou non, conforme ou non.

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Source : “L’espace public, dimension juridique critique de la ville de demain”, Jean-Bernard Auby, Third, Mai 2019.

L’article est à lire dans son intégralité : ici.

 

Sur ce sujet, on pourra lire également nos précédents billets consacrés aux espaces publics et, spécifiquement, aux trottoirs, notamment :

“Le paradoxe de l’espace public : source de coût ou actif stratégique ?”

– “Le trottoir, symbole de la ville des infrastructures…. et des plateformes“.