Jour du dépassement

Le jour du dépassement de la Terre, à compter duquel ses capacités à reconstituer ses ressources sont entamées, sera atteint ce samedi. Un « retard » de trois semaines sur l’an dernier dû à l’effet Covid et aux mesures de confinement.

L’événement, rarissime, vaut d’être signalé. Le point de non-retour écologique de la planète, celui à partir duquel elle n’est plus, théoriquement, en mesure de reconstituer les ressources prélevées par les activités humaines, survient avec un très net retard cette année. C’est exactement ce samedi 22 août que la dette de l’humanité envers la planète va recommencer à se creuser, soit trois bonnes semaines après le déclenchement du précédent compte à rebours, le 29 juillet 2019.

Ce décalage, qui renvoie à l’année 2004, est bien sûr bon à prendre. il n’augure cependant en rien d’un renversement de tendance, celui d’un rallongement de ce délai et non plus d’un raccourcissement, préviennent les experts du Global Footprint Network (GFN) .

Cette ONG, inlassablement, mesure depuis plusieurs décennies, l’évolution de l’empreinte écologique mondiale. Cette année, en dépit d’« une contraction de près de 10 % » de celle-ci, « nous pesons toujours autant sur la nature que si nous vivions sur 1,6 terre », alertent ses représentants.

Crises salutaires

En fait, tout le mérite de cette baisse quasi-inédite de pression observée sur la biodiversité revient non pas aux actions conduites par les Etats pour réduire les impacts des activités humaines, mais aux seules mesures de confinement qui leur ont été dictées pour contenir et faire reculer la pandémie de Covid-19 dans le monde.

Il n’y a d’ailleurs que les crises qui, jusqu’à présent, aient permis à la planète de souffler. En 2008, l’effondrement des marchés financiers dû à la crise des subprimes, a coïncidé avec un allongement de la biocapacité de la Terre, c’est-à-dire son temps de régénération. Le constat est le même s’agissant de la période des deux chocs pétroliers survenus au début et à la fin des années 1970, une époque où le jour du dépassement tombait en novembre.

Comme pour les années précédentes , la date du dépassement prévue en 2020 se base sur toute une série de données et de projections fournies par divers instituts et grandes organisations opérant dans divers secteurs : pêche, agriculture, développement urbain ou encore énergie via les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Elle n’est donc pas définitive et pourrait même reculer substantiellement. En la matière, beaucoup dépendra de la nature et de l’intensité de la reprise. Il est prévu que celle-ci tire nettement sur le vert dans les plans de relance des Etats européens et notamment celui de la France.

Premier déficit écologique pour l’Australie

Cela suffira-t-il à bloquer le calendrier du jour du dépassement ? « Il faut absolument engager des choix très structurants dans nos économies », martèle Pierre Canet, chargé de plaidoyer au WWF France. Selon une récente étude de cette ONG , une relance axée sur les secteurs de la transition énergétique – à savoir le tourisme, l’agriculture, les transports, la rénovation et les énergies renouvelables – permettrait de soutenir 1 million d’emplois en France d’ici à 2022.

Les « écobénéfices » à tirer de ces politiques seraient loin, également, d’être négligeables. Une réduction de 50 % de l’empreinte carbone de la planète permettrait de repousser la date du jour du dépassement de la terre de 93 jours, assure-t-on au GFN. Dans l’alimentation, le seul fait de réduire de moitié les gaspillages le ferait reculer de 13 jours, toujours selon cette ONG.

A noter que l’impact positif du confinement sur l’empreinte carbone ne s’est pas fait sentir partout cette année. Les catastrophes écologiques survenues dans plusieurs pays l’ont effacé. L’Australie, notamment, que les méga feux de forêt survenus en 2019-2020 ont perdre la moitié de sa biocapacité et ont plongé en situation de déficit écologique pour la première fois de son histoire.

Source : “Environnement : la planète a réduit sa consommation de ressources naturelles” – Joël Cossardeaux – Les Echos – 21 août 2020