Haro sur le pavillon ?

Deux articles à lire en vis-à-vis :

Celui d’Éric Charmes, « Haro sur le pavillon ? », dans La Vie des idées, 14 juin 2022 : ici.

Extrait :

Tout d’abord, les critiques environnementales de l’habitat pavillonnaire entretiennent une vision du monde qui, très schématiquement, oppose les grands centres urbains les plus denses, supposés offrir le cadre de vie le plus vertueux sur le plan environnemental et les territoires éloignés de ces centres. Or cela conduit à porter aux nues des espaces de plus en plus réservés aux classes aisées, en leur opposant des lieux où se concentrent notamment les classes populaires qui ont pu accéder à la propriété. La maison est en effet la principale filière d’accession à la propriété des ménages modestes : entre 2000 et 2017, elle a représenté plus de 70% des achats de logement dans les trois premiers déciles de revenus. Contre toutes attentes, le pavillon, y compris neuf, a longtemps été un rêve relativement accessible.

Ensuite, quoi qu’on pense du modèle pavillonnaire et quelle que soit la pertinence des critiques, il faudra faire avec. Les débats autour de l’étalement urbain et de la nécessité de freiner, voire de mettre un terme aux extensions des villes sous forme de quartiers pavillonnaires, font écran aux questions soulevées par les maisons qui existent d’ores et déjà. Sur les plus de 36 millions de logements que compte la France, 20 millions sont des maisons individuelles.(…)

Les plus aisés et les plus diplômés sont nettement surreprésentés dans les grands centres métropolitains, dont, via la gentrification, ils ont largement exclu les plus modestes. Beaucoup de ces derniers se sont installés dans des pavillons en périphérie. En même temps, dans les campagnes et les petites villes, les classes populaires s’efforcent de tirer parti d’une des rares ressources de leur territoire, la faible pression foncière, qui rend les logements, et particulièrement les maisons, abordables. La dévalorisation des choix qui résultent de ces mécanismes, comme des rêves petits-bourgeois, ou comme les principaux responsables de la crise climatique, laisse le champ libre aux forces politiques qui disent défendre les pavillonnaires, notamment la droite qui trouve là un terrain d’affrontement face à l’ennemi qu’elle aime se donner, les “écolos-bobos” des grands centres urbains.

Il ne s’agit pas ici de nier la réalité des problèmes, qu’ils soient sociaux, écologiques ou politiques, mais de souligner que les solutions à ces problèmes résident dans la transformation de l’habitat pavillonnaire plutôt que dans sa mise en cause. Les travaux scientifiques s’accumulent pour montrer la diversité des mondes pavillonnaires, loin des images stéréotypées. Dans cette diversité se loge une large gamme de possibilités pour adapter les maisons, pavillons compris, à la crise climatique. Cette adaptation nécessite de surmonter des obstacles substantiels, notamment en termes économiques, mais ces difficultés ne sont pas moins fortes pour l’habitat collectif. L’habitat individuel peut même être associé à des projets d’écologie politique. Le jardin, loin de l’artificialisation à laquelle on le réduit trop facilement, peut favoriser des modes de vie plus écologiques. Parallèlement, sur le plan social, si le pavillon peut être un piège, il est aussi une porte d’accès au patrimoine immobilier. Il y a des arguments pour fermer cette porte, mais le débat est loin de pouvoir être clos.

Et l’article des Echos de ce lundi 27 juin 20022 sur les constructeurs de maisons individuelles, en lien avec les difficultés du constructeur de maisons individuelles Geoxia Maisons Phénix : “Les constructeurs de maisons individuelles sous tension“.

Extrait :

De fait, en 2021, Geoxia n’a vendu que 2.400 maisons en France sur un total d’un peu plus de 147.000. Quand à son apogée en 1978, il avait atteint les 15.000 unités. En outre, le désir des Français pour une maison avec jardin « reste très fort », notait récemment Damien Hereng, le président de la FFC, autre fédération du secteur. Et les confinements liés à l’épidémie de Covid-19 n’ont fait que le renforcer.

Il n’en reste pas moins que de nombreux facteurs concourent à mettre la filière de la construction de maisons sous tension. Il y a d’abord les incertitudes fortes sur le pouvoir d’achat des ménages – entre inflation, hausse des taux d’intérêt d’emprunt et durcissement des conditions d’octroi de crédits immobiliers.

Il y a aussi « la valse du prix des matériaux de construction », selon l’expression de Grégory Monod, encore renforcée par le déclenchement, début 2022, de la guerre en Ukraine. Ce renchérissement fait déraper les coûts des constructeurs, qui ne peuvent pas forcément les répercuter sur les ménages – contraints par un strict plan de financement négocié avec leur banque. En tout cas en intégralité. « Le portefeuille des clients n’est pas extensible », résume-t-il.

Déjà, le prix moyen d’une maison individuelle en secteur diffus (hors lotissements, soit l’essentiel de la production), avait bondi de 5,4 % entre 2020 et 2021, et de 17 % entre 2017 et 2021, à 184.000 euros. Ceci sans compter le prix du terrain.

Résultat : ce sont les entreprises qui sont contraintes de rogner sur leurs marges. D’autant qu’elles doivent absorber un autre surcoût : celui de la nouvelle réglementation environnementale RE 2020 sur la construction, entrée en vigueur au 1er janvier dernier.

Entre des hausses de coût liées à la RE2020 estimées entre 5 % et 10 % du coût de la construction et des hausses identiques liées à l’inflation sur les matériaux, les prix dérapent. Il faut encore ajouter au tableau des tarifs de terrains toujours plus élevés, dans un contexte où le Parlement a voté l’an dernier l a loi Climat et Résilience , qui fixe à terme un objectif de zéro artificialisation nette des sols dans notre pays.