Avec l’autorisation de son auteur, on reproduit ici ce mail reçu le jeudi 12 juin 2025 à 14H19, mail typique de ceux qu’on adore recevoir, preuve que les trottoirs mènent à de surprenantes découvertes, y compris donc aux chevrons “coyau” (qui nous ramènent également à la neige et aux premiers trottoirs en bois au Québec). Le soulignage est d’ibicity.
De : Eric Comet <eric.comet@gmail.com>
Envoyé : jeudi 12 juin 2025 14:15
À : trottoirs@ibicity.fr
Objet : Un trottoir inconnu ?
Bonjour Madame,
Découvrir ou révéler l’existence d’un trottoir inconnu ou négligé par la spécialiste des trottoirs peut faire passer pour présomptueux. Rassurez-vous, l’intention de ce courriel est in fine de solliciter vos lumières, dans un esprit de parfaite urbanité.
La recherche que je mène n’a a priori rien de commun avec le sujet des trottoirs, tel que vous le traitez, comme élément constitutif de l’identité et de l’usage urbains. Si la boue et l’humidité urbaines reviennent souvent dans votre ouvrage, elles sont aussi à l’origine d’un trottoir parfaitement privé et d’une innovation architecturale sur laquelle j’aimerais attirer votre attention.
Au nord-ouest de la France, la Flandre a longtemps, des siècles durant, été une région particulièrement marquée par la prédominance des couvertures en chaume. Sa combustibilité et sa relativement courte espérance de vie ont eu raison de son hégémonie continentale millénaire, du Pays de Galles à l’Ukraine, du Dauphiné à la Suède méridionale, des Asturies à l’Islande (Teitos, Carmen-Oliva Menendez).
En Flandre, les conditions climatiques locales ont suscité l’invention d’un trottoir privé, périphérique à l’habitation. La chaumière (très péjorativement connotée en français pour, déjà, cette réputation de précarité et d’insalubrité) insuffisamment fondée dans un terrain humide, a commencé par être “étanchée” à son pied par du goudron, par des boulets de pierre rondes, par des briques alignées sur chant, praticables, inclinées pour que l’eau de jaillissement des intempéries soit le plus possible rejetée hors des façades en torchis.
Paradoxalement, ce trottoir “antique, pompéien”, si j’ose dire, a pu être doté au 19ème d’un auvent directement lié à la diffusion de la tuile mécanique adaptée à des inclinaisons de toitures bien plus faibles que celles des toitures à écaille en tuile plate ou en ardoise. Le développement du chemin de fer et la baisse des coûts de fabrication industrielle ont permis de doter, à un coût devenu abordable, le bas des toits de chaume de trois ou quatre rangs de tuiles à emboîtement surplombant le trottoir, accroissant ainsi sensiblement sa protection et son utilité.

Toiture en chaume avec coyau, et trottoir privé. En arrière-plan de la photo, on distingue une toiture entièrement en tuile, mais à la pente cassée à sa base par un coyau. A l’origine très probablement couverte en chaume.
Cet avant-toit est iconographiquement bien connu et a été relevé par beaucoup de spécialistes du vernaculaire local (Albert Deveyer) ou de géographes (Jean Brunhes). Le sujet de mon étude, le coyau, lui, est à mon sens largement méconnu. Le coyau, du latin cauda, est le petit élément de support de charpente, un chevron rapporté, nécessaire au lattage horizontal sur lequel les tuiles “flamandes” seront posées. Plus précisément, j’associe historiquement le coyau au chaume, l’un comme l’autre étant des passagers clandestins de l’architecture européenne, tant vernaculaire que savante (pour le coyau).

©https://fr.twiza.org/article/413/quelle-est-lorigine-du-coyau
Ma demande naît de l’abondante et très stimulante Bibliographie commentée qui clôt Trottoirs !. Auriez-vous, au passage d’une lecture, vu mentionnée ou commentée l’existence de ce “trottoir” flamand non urbain (ou d’un autre, who knows ?) ? Les ouvrages et la bibliographie que je consulte (je suis charpentier) ne considèrent que la dimension “couverture” ou “toiture”. La relation ou l’imbrication entre l’égout du toit et le drainage du pied de la construction est plus ou moins ignorée. J’aimerais la documenter.
D’avance, je vous remercie de l’attention apportée à ce courriel, à une réponse éventuelle et en profite pour vous féliciter d’avoir fait du trottoir un sujet d’étude et d’entrée dans l’urbanisme passionnant.
Avec mes cordiales salutations,
Eric Comet
Maître-charpentier dipl.
Genève
PS1 : à La Chaux-de-Fonds, canton de Neuchâtel, dans le Jura Suisse, les toits sont chaque hiver déblayés, débarrassés jusqu’à 10 cm d’épaisseur, de leur couche de neige par des entreprises spécialistes. Cela impose l’interdiction temporaire de circulation sur le trottoir et la mise en place de mesures de circulation protectrices du public (cf le snöröjning suédois ou nordique).
PS2 : les trottoirs de Bucarest – dans son ambition “Petit Paris des Balkans” d’avant-guerre ou 19ème – étaient dotés de bordures en pierre de taille (granit) qu’une municipalité relativement récente a décidé d’arracher et de vendre à une ville italienne plus riche ou moins corrompue (who knows ?).
Ajout ibicity, sur le toit comme prolongement de l’espace public en hauteur
“Inspiré de projets urbains innovants à Rotterdam, Barcelone, Marseille avec “À nous les toits”, ou Paris avec Les Paris Rooftop Days ce festival inédit en Seine-Saint-Denis valorise les toits existants déjà aménagés – mais aussi ceux qui pourraient l’être demain.
Les toits représentent un formidable potentiel urbain : espaces souvent sous-exploités, ils peuvent devenir des lieux de vie, de culture, de respiration – notamment pour celles et ceux qui ne partent pas en vacances. À la croisée des enjeux urbanistiques, architecturaux, sociaux et environnementaux, les toits sont une réponse concrète aux défis des villes denses : créer de nouveaux espaces accessibles, renforcer le lien social, imaginer des usages partagés”.