De l’architecte-artiste à l’architecte-“homme de synthèse” : pour une nouvelle fabrication de la ville

L’accueil y est toujours aussi agréable, et les pâtisseries délicieuses. La Manne, le lieu de réflexion (et café) de l’Agence de Nicolas Michelin, avait organisé en 2014 une exposition très intéressante sur « Argent logement autrement » (ici). Elle récidive cette fois-ci autour de la publication d’un “Manifeste A. Pour une nouvelle fabrication de la ville” (le « Manifeste A », A comme « atelier ») qui mérite qu’on s’y arrête (même si nous ne partageons pas toujours le diagnostic).

Extraits :

L’évolution de la construction en France est préoccupante. Que ce soit à l’échelle de la ville, du quartier ou de l’habitation, on constate des incohérences et des absurdités entre un projet initial ambitieux et une réalisation trop souvent médiocre. Dans la plupart des opérations classiques d’urbanisme ou d’architecture, les ambitions environnementales et sociales du projet cèdent la place aux logiques financières. Les projets urbains dévient vers une politique de rendement et de résultats économiques. Ces mécanismes finissent par produire des réalisations architecturales et urbaines peu qualitatives : des éco-quartiers génériques tous semblables, mal intégrés au contexte social et historique, des immeubles réalisés au rabais suite à des permis modificatifs qui ont dégradé les prestations d’origine, des logements petits et trop chers qui ne correspondent pas aux demandes des habitants.

A l’échelle de la ville, l’Atelier urbain est formé par trois entités garantissant l’intérêt public et la qualité du projet, à savoir : l’élu (ou son représentant) donnant l’ambition et la vision d’ensemble, l’aménageur gérant les équilibres socio-économiques et l’urbaniste garant de la qualité du cadre bâti (pleins et vides). Ce trio travaille en parfaite confiance et regroupe autour de lui les compétences nécessaires pour dialoguer, négocier et recevoir tous les porteurs de projets qu’ils soient promoteurs, associations, ou habitants. Ainsi l’Atelier est une interface pour toutes les forces vives du quartier et permet de passer de l’expression des désirs à une forme de réalité. Les promoteurs peuvent influer et négocier avec l’Atelier en amont de leur projet pour apporter des modifications au programme et au cahier des charges prévus à l’origine. Cette discussion préalable est extrêmement importante car elle permet d’éviter les projets standard et génériques. Dans l’Atelier urbain, c’est le projet qui fait la règle (on parle alors d’urbanisme négocié) et c’est l’adaptation sur mesure au contexte et les réflexions sur l’usage qui font le projet. Avec cette démarche, l’innovation sociale, environnementale et culturelle peut s’exprimer pleinement.

Dans cette configuration, l’architecte-urbaniste retrouve un vrai rôle de synthèse. A partir de son plan guide, il peut ajuster le cahier des charges et les faisabilités aux demandes de la ville et des porteurs de projets, ce qui rend le dialogue beaucoup plus fertile. Il peut également « ciseler » son plan guide au fur et à mesure afin que les différents projets se répondent et s’accordent avec le site et les usages.

Avec l’Atelier, le devenir de la ville ne relève pas uniquement des enjeux économiques privés ; au contraire, la dimension publique et partenariale du projet architectural et urbain est affirmée.

 

Ce manifeste pose au moins autant de questions qu’il n’apporte de réponses, mais, déjà, saluons cette tentative de réponse à une vraie question : comment les architectes-urbanistes peuvent-ils aider à renouveler une fabrication de la ville aujourd’hui dans l’impasse ? Et on a hâte de lire le prochain ouvrage de Nicolas Michelin sur les Bassins à flots qui sort début juin.

A lire également nos précédents billets :
– Sur les partenariats amont aménageur-promoteurs (qui sont une autre manière de casser l’approche séquentielle de la ville) : ici et ici
– Sur les architectes-urbanistes et la ville intelligente : ici
– Sur la précédente exposition à la Manne sur “Argent Logement Autrement” : ici
– Sur les macro-lots : ici
– Sur l’urbanisme négocié : ici