Comptabilité et transition écologique

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On s’amuse chaque année à poser la question à nos étudiants de Sciences Po, avant plus sérieusement de faire des calculs de VAN (valeur actuelle nette) et de TRI (taux de rendement interne), pour les sensibiliser à quelque chose qui est absolument déterminant dès lors qu’on parle de transition écologique : la valeur du temps et plus précisément la question du taux d’actualisation qui sert à mesurer la valeur du temps (sur ce sujet voir entre autres le rapport de Daniel Lebègue de 2005 sur la révision du taux d’actualisation pour arbitrer les investissements publics : plus le taux est faible, plus les flux futurs sont pris en compte).

Désormais, on les invitera également à lire le dernier numéro de la revue L’Economie Politique (n°93) dont le dossier s’intitule : “Transition écologique, comment refaire les comptes ?”.

Au-delà de la transition écologique, ce sujet de la comptabilité comme traduisant une représentation du monde est absolument passionnant. Il faut notamment lire le chapitre “Les pilotes invisibles de l’action publique. Le désarroi du politique“, de Dominique Lorrain (qui est un des chapitres du livre de Pierre Lascoumes et de Patrick Le Galès, « Gouverner la ville par les instruments » – Les Presses de Sciences Po – 2004). Extrait :

« Si la comptabilité, par certains aspects, semble être une opération neutre – compter, ajouter des objets – c’est aussi une opération de classement à portée bien plus riche (…). Classer suppose d’avoir des produits des catégories générales qui elles-mêmes reflètent une vision des relations sociales et du temps. Une fois organisées et déployées dans le temps, ces catégories comptables acquièrent une autonomie et produisent des effets à leur tour. Elles contribuent à fabriquer une représentation du monde réel – un monde construit qui devient la base à partir de laquelle les opérations se prennent. Comme pour les autres instruments, les acteurs les utilisent en oubliant les choix qu’ils incorporent et les effets que cela peut avoir sur leur perception du monde »

A lire également : « Comment la comptabilité modèle le capitalisme » (Jacques Richard – Le Débat – 2012) et son ouvrage : « Révolution comptable, pour une entreprise écologique et sociale ». On peut ne pas forcément être d’accord sur les recommandations formulées, mais il est certain que les transitions écologique, numérique et des mentalités doivent s’accompagner d’une transition financière (le cinquième vent qui souffle dans le schéma ci-dessous, avec l’idée que, à l’image des mobiles de Calder, piloter les transitions doit permettre de maintenir un équilibre même quand tout bouge).

Ici notre intervention lors des Journées France Urbaine à Nantes sur le cadre des finances locales comme une vision de la fabrique urbaine à dépasser.