Comment Google Maps est devenu l’empereur des routes (et des rues)

A lire dans Les Echos – Week-end l’article de Benoît Georges sur comment Google Maps est devenu “en moins de deux décennies un acteur majeur des données géographiques”.

Extraits :

Son service de cartographie, Google Maps , est utilisé par plus d’un milliard de personnes dans le monde, loin devant n’importe quel autre boîtier GPS, application ou site web concurrent. Le nombre réel d’utilisateurs est même bien plus large, car les fonds de cartes, les calculs d’itinéraires, les vues aériennes ou les images de bâtiments de Google sont repris par des milliers d’autres sites ou applications, dont Airbnb, Carrefour ou Uber.

Google possède aussi, depuis 2013, l’autre star de la navigation routière sur smartphone : l’application Waze , utilisée chaque mois par plus de 15 millions d’automobilistes en France et 140 millions dans le monde. La concurrence est loin derrière : Apple, handicapé par le lancement raté de son application Plans il y a dix ans, doit se contenter de la troisième place , malgré des progrès réels, que les utilisateurs français découvriront à partir de ce vendredi 8 juillet, avec l’arrivée des cartes de l’Hexagone et de Monaco. Quant aux champions des boîtiers GPS. TomTom et Garmin, ils ont vu leur marché s’évaporer en quelques années. Comme le résume Cyril Vart, expert pour le cabinet FaberNovel : « Pour les données géographiques, Google Maps est aujourd’hui la solution de base. »

Le géant californien ne communique pas le chiffre d’affaires de Maps et de ses autres activités de géolocalisation, dont les résultats sont intégrés à ceux de l’activité cloud du groupe (19 milliards de dollars en 2021). Mais les autres chiffres donnent le tournis : Google a mis en cartes 99 % de la surface du globe, soit 60 millions de kilomètres de routes, un milliard de bâtiments et 200 millions de points d’intérêt (commerces, bâtiments publics, sites touristiques, etc.), dont les informations sont mises à jour par une communauté de 150 millions de bénévoles. Leurs données s’ajoutent à celles récoltées au fil des ans par des centaines de satellites, d’avions, de voitures, de vélos ou de piétons. (…)

Les voitures Google vont alors partir à l’assaut de la planète. « À partir de 2008, nous avons étendu Google Street View à l’Australie et l’Europe de l’Ouest », raconte Matthew Prestopino, un ingénieur chargé d’implanter le programme Street View en Europe. « Une de nos premières initiatives a été de capturer le parcours du Tour de France 2008, quelques semaines avant la course, pour le diffuser en ligne avec l’accord d’ASO. » Equipées dans un entrepôt à Amsterdam, des centaines de voitures sont envoyées sur les routes d’Europe. Et elles ne se contentent pas de prendre des images : leur but est de récolter et mettre à jour les données géographiques, dans le cadre d’une initiative intitulée « Ground Truth » (« la vérité du terrain »). (…)

Google Maps recourt également à la publicité, mais l’essentiel de ses revenus provient de l’utilisation de ses données par d’autres entreprises. « Quand on consulte le site de la SNCF, quand on cherche un supermarché Carrefour ou un hôtel Accor, quand on commande un Uber, leurs sites web ou leurs applis mobiles affichent des cartes de Google Maps ou des images de Google Street View, et ces groupes paient pour les utiliser », précise Gilles Dawidowicz. De la start-up à la multinationale, des milliers de sociétés utilisent des API (« interfaces de programmation d’applications »), des morceaux de code qui interrogent directement les serveurs de Google. La facturation se fait au nombre de requêtes : 2 euros pour afficher 1.000 cartes statiques, 7 euros si elles sont interactives, 14 euros pour 1.000 accès à Google Street View…

« Pendant plusieurs années, Google a proposé ses fonds de cartes et certaines de ses API gratuitement, signale Cyril Vart. C’est un excellent exemple de la façon dont les GAFA ont réussi à nous rendre dépendants, en proposant un service très utile et très bien fait en libre-service pour les utilisateurs et les développeurs. Du coup, tout un écosystème de start-up comme Uber ont démarré avec Google Maps, puis tous les industriels leur ont emboîté le pas, et c’est devenu le standard. Et puis, un jour, tout ceci est devenu payant. » L’hégémonie de Google Maps est au coeur d’une enquête lancée par le gendarme allemand de la concurrence. Fin juin, l’Office fédéral de lutte contre les cartels s’inquiète d’éventuelles « pratiques restrictives » au détriment des autres fournisseurs, la filiale de Google empêchant ou limitant l’utilisation de ses services dans les cartes de ses concurrents.

Sur le modèle économique de Google Maps, lire également l’article de Christian Quest, d’Open Street Map, évoquant le modèle des dealers de crack : ici.

L’article des Echos permet aussi de (re)découvrir certains artistes qui interrogent les représentions que propose Google Maps, comme Aram Bartholl et son projet Map (voir aussi ici) :

Et aussi : Caroline Delieutraz qui, dans sa série “Deux visions” met en vis-à-vis une page du livre La France de Depardon et le même endroit capturé par Google Street View :

Et aussi : la série “Paris Street View” de Michael Wolf (2009) :

“Durant un séjour dans la capitale, le photographe allemand (décédé en 2019) en explore les rues depuis son bureau via Google Earth : il s’amuse à photographier les instantanés de vie qui apparaissent sur son écran. Capturés par hasard par les caméras de l’application, humains et animaix apparaissent à la frontière, floue, entre ce qui relève du privé et du public”. (Les Echos).

 

A voir également, le replay de la table-ronde organisée par Leonard, le laboratoire d’innovation de Vinci, sur “Donner à voir : la carte comme révélateur du territoire” : ici (et pour voir l’ensemble des replays du Festival Building Beyond sur “visible et invisible”).