Argent fléché vert ou social

Alors que la brique “paiement” des bouquets de services urbains nous paraît de plus en plus importante (voir notamment ici), on a lu avec intérêt la dernière interview du PDG d’Edenred dans Les Echos de ce jour.

 

Extraits (c’est nous qui soulignons, et qui ajoutons les illustrations) :

Le champion mondial de services et paiements fléchés et digitalisés, avec 31 milliards d’euros de transactions en 2019, est français. Il connecte au quotidien 50 millions de salariés à 2 millions de commerçants, dans 46 pays, pour 850.000 entreprises clientes. Ses solutions sont dédiées à l’alimentation (titres-restaurant), à la mobilité (cartes-carburant…), à la motivation (titres-cadeaux…), aux paiements professionnels (cartes virtuelles).

Si l’urgence des gouvernements a été de limiter la destruction de valeur et la perte du savoir-faire en préservant les emplois, l’enjeu est dorénavant la relance de l’économie, et plus spécifiquement de la demande locale dans les secteurs les plus touchés : tourisme, hôtellerie, restauration, loisirs, transports. Il faut permettre une réinjection immédiate de liquidités et faciliter un redémarrage rapide des entreprises.

Mais dans une économie ouverte, une relance keynésienne de la consommation a ses limites car on ne sait pas où part l’argent : sera-t-il épargné ou dépensé ? Et s’il est dépensé, il peut l’être dans des biens à faible valeur ajoutée pour notre économie car non produits dans l’Hexagone.

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Il faut flécher ces flux pour les rendre plus efficients. La France a une carte à jouer puisque Edenred est le champion du monde en la matière. Nous sommes une plateforme d’intermédiation entre des acteurs sélectionnés, pour des dépenses fléchées. Les titres-restaurant, utilisables uniquement pour certaines catégories de commerce, en sont une illustration : le gouvernement souhaite en faciliter l’utilisation dans les grandes surfaces à titre exceptionnel pendant le confinement, mais après, il faudra favoriser les commerces de bouche et les restaurateurs. Et comme la capacité d’accueil des restaurants risque d’être limitée par la distanciation sociale alors que leurs coûts fixes demeureront, l’enjeu sera d’augmenter le panier moyen. Nous proposons de passer de 19 à 30 euros le montant quotidien que l’on pourra y dépenser jusqu’à la fin de l’année. Mais il faut aussi accroître le taux de pénétration de ces titres, qui n’est encore que de 20 %, au bas de la moyenne mondiale – tous opérateurs confondus – et ce, en ciblant les PME, la fonction publique, les indépendants. Par ailleurs, nous proposons au gouvernement d’abonder chaque titre de 5 euros par jour, dès la réouverture des restaurants et pour trois mois.

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Pendant le confinement, 40.000 étudiants à faibles revenus n’ont plus accès aux restaurants universitaires fermés. L’Etat a mis à disposition des CROUS un dispositif leur permettant d’allouer 70 euros par semaine à ces étudiants. Edenred s’en est occupé. Nous avons utilisé un de nos produits, pour permettre au ministère de la Solidarité et de la Santé d’aider des familles démunies en leur donnant accès à des produits d’hygiène et de première nécessité.

 

Au Royaume-Uni, 1,3 million d’élèves défavorisés bénéficient habituellement de la cantine gratuite : le ministère de l’Education britannique nous a sollicités pour trouver, en moins de 15 jours, une solution digitale. Une somme d’argent, sous forme de QR code, est affectée aux familles concernées pour leurs courses alimentaires dans des enseignes partenaires. 25 millions de livres ont été dépensées à ce jour.

En Italie, le gouvernement a annoncé le 1er avril la possibilité pour les municipalités de distribuer des titres Edenred appelés « Buoni Spesa » aux citoyens les plus vulnérables, pour leur alimentation : 400 millions d’euros d’aides ont déjà été distribués.

L’allocation fléchée peut apporter aussi à des associations comme La Croix Rouge ou le Secours Populaire, une souplesse d’utilisation que ne donnent pas les dons en nature, éviter les possibles problèmes de corruption et de détournement posés par le cash.

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Chacun pourrait recevoir un QR Code lui donnant droit à un nombre défini de masques à retirer auprès de pharmaciens qui auraient préalablement téléchargé l’application. Le paiement se ferait grâce au QR Code correspondant à votre allocation. Pas de tricherie possible, et un échange 100 % digital donc pas de circulation de virus. Et cela éviterait tout comportement de panique irrationnelle dans un contexte d’économie de pénurie. C’est une technologie que nous avons conçue pour un tout autre usage à Taiwan et à laquelle nous avons l’ambition de recourir massivement dans le monde pour répondre à certains besoins nés de la crise.

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L’Organisation Mondiale du Tourisme préconise aux Etats d’inciter les entreprises à distribuer des chèques vacances à leurs employés pour stimuler la demande locale. La même réflexion vaut pour la culture, les salles de spectacle, les librairies, via les comités d’entreprise notamment. Dans un contexte où les Français vont rester dans leur pays cet été, le chèque vacances, encore « papier », pourrait être utilisé de manière plus large et efficace s’il était digitalisé par les opérateurs spécialisés dans la distribution des titres sociaux. Il ne représente que 1 % de la consommation touristique intérieure, mais ses retombées économiques se situeraient entre 7 et 12 milliards. Le potentiel est considérable.

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Nous étions en avance sur notre temps dans la capacité à bâtir des écosystèmes privatifs de paiement permettant le recours à l’argent fléché. La crise est venue affirmer la pertinence de nos solutions digitales et l’intérêt d’y avoir investi 250 millions d’euros par an depuis cinq ans. Les titres sociaux ont connu une expansion mondiale dans 41 pays et une diversification constante. Les titres verts se développent, comme aux Etats-Unis où nous gérons une allocation qui incite les habitants des banlieues des grandes métropoles américaines à privilégier les transports communs, ou en Belgique avec l’éco-chèque, permettant à 1,7 million de travailleurs d’acheter jusqu’à 250 euros de produits verts défiscalisés dans des magasins labellisés. L’adaptabilité à l’infini des fléchages digitaux en fait des instruments efficaces pour répondre aux défis les plus variés.

Source : “Il faut relancer l’économie en fléchant et ciblant les dépenses de consommation” – Interview de Bertrand Dumazy, PDG d’Edenred – Les Echos – 4 mai 2020

 

A lire également :

UK’s poorest families suffering as free school meal vouchers delayed” – The Guardian – 9 avril 2020

Sur le “Commuter Benefit Solutions” aux Etats-Unis : ici.

Extraits documents financiers :

Source : Edenred – 2019 Capital Markets Day

 

Source : Edenred Investor Presentation – June 2019